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Lucie Pépin

L Nommé au Sénat par le Très honorable Jean Chrétien, la sénateure Lucie Pépin représente le Québec et la division sénatoriale de Shawinigan. Sa nomination remonte au 8 avril 1997.

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La réforme du Parlement

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Déclaration faite le 11 mars 2010 par le sénateur James Cowan

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition)

Honorables sénateurs, cela fait un certain temps maintenant que le gouvernement prône la réforme démocratique. Le premier ministre Harper a même créé le poste de ministre d'État à la Réforme démocratique, auquel il a nommé l'honorable Steven Fletcher. Je ne remets pas du tout en question l'engagement du gouvernement à l'égard de la véritable réforme démocratique au Canada, et c'est d'ailleurs pour cela que j'ai présenté cette interpellation.

Je vais commencer par un truisme : la véritable réforme démocratique ne peut être imposée, même pas par un premier ministre. Il est impossible d'améliorer la démocratie en imposant une mesure unilatérale. Dans une démocratie saine, un leader doit être à l'écoute des opinions d'autrui et, dans certaines circonstances, accepter celles-ci même s'il ne les partage pas. Ce n'est cependant pas ainsi que le gouvernement Harper exécute son soi-disant programme de réforme démocratique.

De par sa nature même, une constitution est l'antithèse d'une mesure unilatérale. Une constitution est le fruit d'un débat et de compromis. La Constitution canadienne prévoit un mode de révision détaillé qui a été minutieusement négocié sur une période de plusieurs années. Au minimum, pour un nombre limité de révisions, la Constitution exige l'accord des trois éléments constitutifs du Parlement — il s'agit bien sûr de la Chambre des communes, du Sénat et de la Couronne. Cependant, la grande majorité des témoignages qu'a entendus le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles il y a quelques années semble indiquer, pour reprendre les mots du comité, que les réformes proposées par le premier ministre Harper exigent la participation et l'accord de nos partenaires constitutionnels, les provinces.

En 2006, une proposition sur la réforme du Sénat nous a été présentée. Après avoir entendu attentivement tous les témoignages, dont les présentations convaincantes d'un certain nombre de gouvernements provinciaux, le Sénat a exhorté le gouvernement du Canada à renvoyer sa proposition à la Cour suprême du Canada afin d'en déterminer la constitutionnalité. Le gouvernement a fait fi de notre conseil. Le 28 mai 2009, il a simplement décidé de présenter le même projet de loi à nouveau et de le laisser au Feuilleton.

Le gouvernement refuse de discuter des propositions avec les provinces. Il s'entête à dire, en dépit de l'avis de nombreux spécialistes, que le Parlement du Canada a le pouvoir d'adopter seul les modifications constitutionnelles proposées. Lorsque l'une des Chambres du Parlement a dit ne pas croire que le Parlement avait ce pouvoir, plutôt que d'examiner le bien-fondé de ces objections, le gouvernement a décidé de nommer de nouveaux sénateurs à la condition expresse qu'ils appuient le point de vue du gouvernement et ce, au nom de la démocratie.

Mais de quelle sorte de démocratie s'agit-il? Quel genre de réforme apporte-t-on à la Chambre de second examen objectif si la seule chose qu'il lui est permis de faire est de dire : « Oui, monsieur le premier ministre, comme vous voulez »?

Honorables sénateurs, j'ai lancé cette interpellation afin d'amorcer le vrai débat sur la réforme du Sénat, celui auquel le gouvernement refuse de participer. J'espère qu'un grand nombre de sénateurs des deux côtés y participeront, car c'est de notre pays que nous parlons et la Constitution en est la base. J'espère que nous pourrons faire participer les Canadiens à ce débat.

Par moments, j'ai l'impression que plusieurs d'entre nous tiennent simplement pour acquis le caractère véritablement extraordinaire du pays dans lequel nous vivons. Nous avons toujours été, de mille façons, un modèle à imiter et une source d'espoir pour le reste du monde. La réforme démocratique, soit, mais nous ne devrions pas perdre de vue le fait que le Canada est maintenant une grande démocratie, en fait, une démocratie extraordinaire, dans un monde où il y a beaucoup de chaos et d'États non viables.

Notre histoire a été marquée par la tolérance et nous avons toujours cherché à régler nos différends de manière pacifique. Nous habitons réellement un royaume de paix. Cela ne veut pas dire que nous n'avons jamais dû affronter d'épreuves. Nous avons bien sûr eu notre lot de problèmes et nous avons dû surmonter des obstacles tout au long de notre histoire; toutefois, nous avons toujours réussi à trouver des terrains d'entente et à régler nos problèmes ensemble.

Le mérite d'une si remarquable histoire et d'une si belle réussite revient à tous les Canadiens, mais soyons quand même conscients de notre dette envers les Pères de la Confédération. Grâce à leur sagesse et à leur prévoyance, nous avons des institutions qui nous ont permis de régler des problèmes extrêmement difficiles dans un esprit de paix et de respect mutuel que bien d'autres nous envient. Tant de pays du monde vivent sous la menace de la violence, de terribles bombardements, de prises d'otages et d'autres actes terroristes parce que des groupes de citoyens ne s'entendent pas avec leur gouvernement et insistent pour faire triompher leur point de vue sans se soucier du prix pour leurs voisins.

Je sais que le premier ministre Harper a par le passé parlé avec horreur et dédain du fait que l'un des partis d'opposition, à l'autre endroit, a un programme souverainiste ou séparatiste, comme il le dit hors du Québec. Toutefois, il est faux de prétendre que cette situation réduit d'une façon ou d'une autre notre statut de nation. Je crois que c'est tout à fait le contraire. Je suis fier du fait que, en tant que nation, nous ayons un régime qui, au lieu de nous exposer à des affrontements sanglants, permet aux gens de s'exprimer au sein de notre Parlement même s'ils ont des vues diamétralement opposées aux nôtres.

À ceux qui s'opposent à ce que des divergences aussi fondamentales soient débattues au Parlement dans le cadre de débats énergiques, je voudrais poser la question suivante : comment pouvons-nous autrement arbitrer et gérer nos graves conflits? Si le Parlement n'est pas un lieu propice pour la discussion des aspirations divergentes des différents peuples et régions du Canada, quels autres endroits ont-ils à proposer?

Ce que je veux dire par là, c'est que cette situation n'est pas un effet du hasard. Notre régime — et le Parlement du Canada en particulier — est spécialement conçu pour une nation fondée sur la diversité. Même s'il a connu des problèmes, il a bien fonctionné et a permis au Canada de s'épanouir dans la paix et la prospérité.

Bien sûr, tout en ce monde est susceptible d'amélioration. Toute structure peut être améliorée mais, tout comme les Pères de la Confédération ont été clairs au sujet de la nature inhabituelle de la nation qu'ils édifiaient, nous devons établir clairement le contexte et l'objet de nos propositions de changement.

De quelle vision le gouvernement Harper s'inspire-t-il quand il parle de réforme démocratique? Au cours de la dernière session parlementaire, le cabinet du ministre Fletcher a produit quatre projets de loi. Deux d'entre eux ont été déposés à l'autre endroit, l'un pour ajouter deux journées de scrutin anticipé lors des élections fédérales et l'autre pour supprimer le poste de conseiller sénatorial en éthique. Le gouvernement a également présenté deux projets de loi ici même, au Sénat, le premier pour limiter le montant des prêts politiques — question qui, pour moi, intéresse principalement nos collègues de l'autre endroit à moins qu'elle ne s'adresse peut-être à nos nouveaux collègues qui auraient, semble-t-il, un mandat de huit ans — et le second pour limiter le mandat des sénateurs nommés à une période de huit ans non renouvelable.

Lorsque le projet de loi sur la durée du mandat des sénateurs sera redéposé, il s'agira d'une quatrième version. Il a d'abord été déposé au Sénat, puis une autre fois à l'autre endroit. Ensuite, c'est essentiellement le même texte qui a été présenté une fois de plus ici. Au cours des législatures précédentes, le gouvernement Harper a également essayé à deux occasions de faire adopter une loi sur les consultations concernant la nomination des sénateurs. Cette initiative non plus n'est jamais allée très loin. Le gouvernement a indiqué qu'il avait l'intention de déposer une troisième fois cette mesure législative, mais il ne l'a pas fait jusqu'ici.

Il me semble étrange que ce soient là la nature et l'étendue de la réforme démocratique proposée par le gouvernement. Je me demande combien de Canadiens, interrogés sur leurs priorités en matière de renouveau démocratique, mentionneraient des questions telles que la limitation de la durée du mandat des sénateurs, l'ajout de journées de scrutin anticipé et la suppression du poste de conseiller sénatorial en éthique. C'est plutôt mince pour les Canadiens qui envisagent de vrais changements permettant à notre structure politique de mieux refléter leurs espoirs et leurs aspirations.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Honorables sénateurs, nous avons beaucoup évolué depuis 1867. Le Canada et le monde sont très différents de ce qu'ils étaient il y a 150 ans. Le Canada s'étend d'un océan à l'autre et compte maintenant dix provinces et trois territoires. Sa population est passée de moins de 3,5 millions d'habitants en 1867 à plus de 33,5 millions aujourd'hui. Le monde lui-même a énormément changé depuis l'époque de la Confédération.

Est-il temps que les Canadiens repensent leur régime de gouvernance? C'est peut-être le cas. Toutefois, les questions que j'ai entendu les Canadiens soulever sont très différentes de celles qu'envisagent le premier ministre Harper et son ministre d'État à la Réforme démocratique. Les Canadiens à qui j'ai parlé croient que l'éducation est la clé de la prospérité économique en ce XXIe siècle. Ils se demandent si nous pouvons avoir une économie vraiment compétitive à l'échelle mondiale en l'absence d'une stratégie nationale d'éducation. Les Canadiens m'ont parlé de soins de santé. Ils se demandent entre autres si la répartition actuelle des responsabilités en matière de santé compromet une gestion efficace de pandémies telles que le SRAS et la grippe H1N1 dans un monde où les virus peuvent se propager partout sur la planète en l'espace de quelques heures. Ils se demandent si les Autochtones canadiens sont équitablement traités aux termes des présentes dispositions constitutionnelles.

Je me rends bien compte que ce sont là des questions constitutionnelles particulièrement difficiles mais, si nous parlons de renouveau démocratique, reconnaissons au moins que ces questions revêtent beaucoup plus d'importance pour de nombreux

Canadiens — sinon la plupart — que deux journées supplémentaires de scrutin anticipé.

Le présent gouvernement a opté pour une vision étroite du renouveau démocratique. Il serait plus indiqué de parler dans ce cas de réforme parlementaire que de réforme démocratique. De toute façon, le gouvernement refuse de poser les vraies questions. Il semble davantage se soucier de politique et vouloir se vanter de ses réalisations que d'entreprendre un véritable renouveau parlementaire.

En effet, si le premier ministre Harper était sérieux lorsqu'il propose de réformer le Sénat, il n'aurait certainement pas fait les récentes nominations qui ont eu lieu ici. S'il voulait vraiment un Sénat qui reflète les vœux de l'électorat, pourquoi n'a-t-il nommé que des sénateurs conservateurs?

Dans un article publié récemment, Chantal Hébert imaginait ce qui ce serait produit si les vacances au Sénat avaient été comblées par le truchement d'élections. Elle a écrit :

Au cours de la dernière année, il est difficile d'imaginer, par exemple, un scénario en vertu duquel les conservateurs auraient gagné 32 sièges au Sénat, un peu partout au Canada.

Les deux sièges vacants à Terre-Neuve-et-Labrador auraient probablement été remportés par les libéraux ou les néo- démocrates.

Parmi les huit nouveaux sénateurs du Québec, il aurait fort bien pu y avoir quatre ou cinq souverainistes.

De toute évidence, si M. Harper avait été honnête envers les Canadiens lorsqu'il leur disait qu'il souhaitait nommer uniquement des sénateurs élus dans leur province, il aurait fait des nominations qui auraient reflété la volonté politique exprimée par la population de ces provinces.

D'autres premiers ministres ont nommé des personnes associées à d'autres partis. Le sénateur Segal, le sénateur Nancy Ruth et le sénateur McCoy peuvent en témoigner, puisqu'ils ont tous été nommés par le premier ministre Martin.

Le premier ministre Harper a nommé au Sénat 33 fidèles du Parti conservateur — dont 32 en un peu plus d'une année —, ce qui est le nombre de nominations le plus élevé faites par un premier ministre depuis la Confédération. Il est difficile de ne pas s'interroger sur la volonté réelle de M. Harper d'avoir un Sénat représentatif.

Toutefois, étant donné que tous nos nouveaux collègues semblent appuyer pleinement les objectifs de la réforme du Sénat du premier ministre Harper, je m'attends à ce que chacun d'eux veille attentivement à ce que leur position relativement à d'autres mesures législatives reflète le point de vue des régions qu'ils représentent, plutôt que celui du Parti conservateur.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : La situation devrait être intéressante pour nos nouveaux collègues qui représentent des provinces qui se sont opposées ouvertement aux projets de loi de réforme du Sénat du gouvernement Harper.

Honorables sénateurs, nous voulons tous que le Parlement du Canada soit le meilleur possible, mais il faut faire preuve de sérieux à cette fin. Une réforme constitutionnelle n'est pas quelque chose qui doit être pris à la légère. Elle doit se faire conformément à la formule de révision prévue dans la Constitution. S'il existe le moindre doute quant à la constitutionnalité d'une approche, notre système autorise la Cour suprême du Canada à se prononcer sur la question.

Le premier ministre Harper a opté pour une approche à la pièce — c'est-à-dire une réforme parlementaire graduelle — au motif que nous ne pouvons réussir en ayant recours à un processus complet de révision de la Constitution. Trop de questions sont soulevées par un trop grand nombre d'autres partis, de sorte qu'il est difficile de faire des progrès en matière de réforme du Sénat.

Honorables sénateurs, les constitutions sont conçues de façon à être difficiles à modifier. Cela est voulu, et pour de bonnes raisons. Si d'autres questions sont soulevées, c'est parce les Canadiens veulent qu'on s'en occupe, peut-être même de façon plus urgente que les dossiers qui intéressent le gouvernement.

Si on est incapable de s'entendre sur une proposition en vue de la réforme du Sénat, alors il faut trouver une solution plutôt que de simplement laisser tomber. Le processus entourant une réforme constitutionnelle est bien établi et reconnu. Il exige un consensus entre les partenaires constitutionnels, les provinces, et non l'imposition de la solution d'une personne pour l'ensemble du pays, même si cette personne est le premier ministre du moment.

Je ne propose pas aujourd'hui d'examiner les préoccupations relatives à la constitutionnalité du projet de loi du gouvernement sur la réforme du Sénat. J'inviterais simplement mes collègues à lire mes commentaires du 17 juin 2009, et plus particulièrement le rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles qui a été publié le 12 juin 2007 et qui a été judicieusement annexé aux Débats du Sénat de cette journée à la demande du président du comité à l'époque, mon ami le sénateur Oliver.

Mes collègues constateront que la grande majorité des témoignages entendus par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles vont dans le même sens, soit que si le Parlement acceptait ce que le gouvernement propose, cela soulèverait de sérieuses questions sur le plan constitutionnel. Selon les témoins, le projet de loi devrait à tout le moins être soumis à l'examen de la Cour suprême du Canada afin d'en établir la constitutionnalité. Le comité était d'accord avec cette proposition, tout comme le Sénat. Malheureusement, le premier ministre Harper a rejeté cette proposition. Deux ans et neuf mois plus tard, nous en sommes au même point.

En revanche, M. Harper a demandé à la Cour suprême si la Constitution permettait de créer un organisme national de réglementation des valeurs mobilières. On aurait pu croire qu'il aurait été plus important de demander l'avis de la cour sur une question liée à une modification constitutionnelle. Mais la question de savoir si le gouvernement peut, sur le plan constitutionnel, continuer de proposer sa réforme n'est pas ma principale préoccupation. J'aimerais plutôt examiner plus en détail l'approche restrictive du gouvernement quant à la réforme démocratique et parlementaire.

Le très respecté professeur David E. Smith, de l'Université de la Saskatchewan, a consacré récemment tout un ouvrage à l'étude du Sénat. Il s'intitule The Canadian Senate in Bicameral Perspective. Il soutient que la faiblesse de la réforme du Sénat au Canada est en partie attribuable au fait que l'on considère le Sénat comme une entité fermée hermétiquement et qui fonctionne en vase clos. Il dit ceci : « On ne tient pas compte des profondes répercussions que ces changements auraient sur le système politique. » Et il ajoute : « Le bicaméralisme est important. »

Le professeur Smith soutient que la réforme du Sénat ne se résume pas à élire les membres de la Chambre haute et probablement encore

moins à définir la durée du mandat des sénateurs. Il faut plutôt déterminer comment cette entité devrait servir de complément au travail effectué par les élus de la Chambre des communes. Comme il l'écrit, « si l'on fait abstraction de ce lien, la réforme est impossible ».

Il écrit également ce qui suit :

Il est de la plus haute importance que les Canadiens s'entendent sur la raison d'être de la Chambre haute, sinon il sera impossible de dégager un consensus sur la forme que devrait prendre celle-ci.

Un des plus farouches adeptes des changements ponctuels au Sénat et des propositions faites par le gouvernement Harper est Roger Gibbins, de la Canada West Foundation. Cependant, les commentaires qu'il a formulés au sujet des projets de loi du gouvernement Harper sur la réforme du Sénat n'ont rien de très rassurant. Dans le premier extrait que je vais citer, il parle du projet de loi d'initiative ministérielle sur les consultations concernant la nomination des sénateurs. Comparaissant devant un comité de l'autre endroit, M. Gibbins a déclaré ce qui suit :

Je conviens, et je pense que la chose est extrêmement importante, que les changements proposés par le projet de loi C-20 nous placeraient dans une situation quelque peu chaotique en ce qui concerne le Sénat. Mais j'y vois une vertu du projet de loi plutôt qu'un défaut fatal. Le projet de loi déstabiliserait le statu quo et obligerait ainsi les Canadiens à prendre en main la conception d'une Chambre haute modernisée et démocratique.

Un an plus tard, M. Gibbins a comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles lorsque celui-ci examinait le projet de loi concernant la durée du mandat des sénateurs. Il a fait valoir le même point de vue :

[...] il nous faut un déclencheur [...] C'est pourquoi j'ai toujours préconisé ce genre de destruction créative, quelle qu'elle soit, pour déstabiliser le statu quo et nous forcer ou nous préparer à nous poser des questions structurelles plus fondamentales.

Honorables sénateurs, il est inutile de dire que je suis consterné par ce scénario de destruction créatif. Notre objectif doit être de renforcer le système parlementaire, non de le déstabiliser.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Honorables sénateurs, il ne s'agit pas d'un jeu où la Constitution et les Canadiens sont en quelque sorte des pions sur un échiquier. J'ose espérer que l'époque où un premier ministre pouvait jouer aux dés avec la Constitution est révolue depuis longtemps. Il serait terriblement paradoxal que le premier ministre tente de faire adopter de prétendues réformes pour renforcer le pouvoir exécutif en déstabilisant le Parlement du Canada, et que, par la même occasion, il s'en prenne au parti d'opposition souverainiste à l'autre endroit, qui, depuis les nombreuses années qu'il siège au Parlement, ne s'est jamais abaissé à recourir à de telles tactiques.

C'est avec un véritable regret que je reconnais qu'il y a peut-être une certaine vérité dans les propos de M. Gibbins. Les modifications que propose le gouvernement, qu'il qualifie de mesures modestes, entraînent de nombreuses conséquences imprévues pour notre système bicaméral qui pourrait certes, comme l'a prédit M. Gibbins, déstabiliser notre système de gouvernance actuel.

En premier lieu, le fait de limiter le mandat des sénateurs à huit ans permettrait à un premier ministre élu pour deux mandats consécutifs de nommer tous les sénateurs. Il faut se rappeler que, quelles que soient les aspirations du premier ministre actuel, même avec sa proposition la plus ambitieuse, le Sénat demeure encore entièrement nommé par le premier ministre. Or, en vertu de la loi sur les consultations concernant la nomination des sénateurs, les élections n'ont qu'une valeur consultative. À défaut d'une modification officielle de la Constitution, le premier ministre demeure absolument libre de faire abstraction des résultats des prétendues élections sénatoriales et de nommer les personnes de son choix. Or, nous avons vu un premier ministre nommer des sénateurs alors qu'il avait promis aux Canadiens qu'il ne le ferait pas. Nous avons vu un premier ministre ne pas tenir compte de la loi sur les élections à date fixe qu'il avait lui-même présentée. Compte tenu de ces antécédents, nous n'avons absolument aucune assurance que les résultats d'une élection consultative seraient respectés.

M. Gibbins a affirmé que les gouvernements majoritaires ne sont confrontés à aucune contrainte réelle à la Chambre des communes et que, de ce fait, la réforme du Sénat peut être considérée comme un moyen de faire contrepoids au pouvoir du gouvernement. Je doute fort qu'une prétendue réforme qui permettrait au premier ministre de nommer l'ensemble des sénateurs sur une période de huit ans répondrait à un besoin mentionné par M. Gibbins.

Mme Janet Ajzenstat, grande spécialiste de l'histoire politique canadienne, a écrit que sir John A. Macdonald et les autres Pères de la Confédération croyaient que « les démocraties parlementaires présentent cet avantage-ci qu'elles protègent les minorités » politiques, c'est-à-dire l'opposition politique. Elle écrit que la « protection de la dissidence politique et le respect des droits des minorités » comptaient beaucoup aux yeux des fondateurs du Canada. Elle cite sir John A. Macdonald à cet égard :

Nous profiterons de l'ultime liberté constitutionnelle : les droits de la minorité seront respectés.

Comme l'explique Mme Ajzenstat :

Lorsqu'il parle des « minorités », Macdonald ne parle pas des minorités ethniques ou religieuses comme l'ont parfois supposé certains exégètes. — Il aborde la question des minorités ethniques ailleurs dans les débats sur la Confédération. — Le mot « minorité » désigne ici la minorité politique, c'est-à-dire l'opposition politique, au Sénat, à la Chambre des communes et dans la population. Macdonald affirme que le bienfait suprême du gouvernement parlementaire réside dans la protection qui est accordée à l'opposition politique, au droit à la dissidence. Dans la plupart des régimes politiques, les droits de la majorité se passent de protection. Les despotes de tous genres, même les monarques absolus, cherchent à apaiser la majorité d'une façon ou d'une autre. Les démocraties parlementaires présentent cet avantage- ci qu'elles protègent les minorités. C'est seulement dans un régime parlementaire que la majorité doit prendre en compte les griefs et les intérêts de l'opposition politiques, et ne saurait les réprimer.

Au début de mon intervention, j'ai parlé de la sagesse et de la prévoyance remarquables dont ont fait preuve les Pères de la Confédération lorsqu'ils ont façonné les institutions de telle sorte qu'elles trouvent des solutions pacifiques aux différences profondes qui les opposent. Non seulement est-ce évident dans l'équilibre soigneux de la représentation des provinces, des compétences en matière d'éducation et des mesures de protection linguistique, mais également, je crois, dans le fait qu'ils ont reconnu que le Parlement du Canada était un lieu où l'opposition politique et le droit à la dissidence sont protégés.

Il va sans dire qu'un mandat de huit ans diminuerait grandement le rôle de dissidence et d'opposition qu'a le Sénat, rôle qui trouve son fondement dans les premiers principes des Pères de la

Confédération. Un Sénat entièrement nommé par le premier ministre d'un gouvernement majoritaire ne ferait pas opposition à une Chambre des communes dominée par la majorité.

Des témoins, qui ont comparu au sujet du projet de loi sur la durée du mandat des sénateurs, ont fait remarquer que l'une des différences fondamentales entre le Sénat et l'autre endroit est que le Sénat ne se renouvelle pas fréquemment. Les doyens du Sénat assurent la continuité de la mémoire institutionnelle et offrent une perspective à long terme, en plus d'être des experts dans des domaines particuliers.

Quelles seraient les répercussions d'un mandat unique de huit ans sur ces aspects et sur nos relations avec l'exécutif et l'autre endroit? Le Sénat pourrait-il encore réaliser le genre d'études en profondeur qui ont enrichi et animé les débats sur les politiques d'intérêt public dans ce pays, notamment au sujet de la concentration des médias au Canada, les soins de santé, la santé mentale, la pauvreté, la politique sur les drogues, l'euthanasie, l'aide au suicide et les études sur la défense et la sécurité, pour n'en citer que quelques-uns?

Le professeur Smith a également laissé entendre qu'un mandat de courte durée, non renouvelable, pourrait changer la nature du Sénat, car une personne pourrait être nommée sénateur en début de carrière. Par conséquent, le Sénat pourrait devenir un tremplin pour l'autre endroit, alors qu'il faudrait que ce soit l'inverse. Il a écrit :

En d'autres termes, la relation entre les deux Chambres serait inversée et l'indépendance actuelle des sénateurs, qui ont assouvi leurs ambitions politiques, serait compromise.

Voilà quelques-unes des incidences que le mandat de huit ans d'un Sénat nommé aurait sur notre régime bicaméral. De prime abord, cette mesure pourrait sembler insignifiante, alors qu'elle pourrait entraîner des conséquences importantes.

Bien sûr, la place du Sénat au sein de la démocratie parlementaire du Canada et son rôle seraient redéfinis et remis en cause s'il était élu.

Il y aura certainement une épreuve de force entre les deux Chambres. Comment résoudre le problème? Est-ce que le Sénat, dont les membres ont des mandats plus longs que ceux de l'autre endroit et représentent des provinces entières au lieu de petites circonscriptions, s'imposera comme la plus puissante des deux Chambres, comme c'est le cas aux États-Unis? Est-ce que les sénateurs se contenteraient principalement, selon le principe de la Chambre de second examen objectif, d'examiner, d'étudier et de réviser les initiatives de l'autre endroit? Quel serait l'impact sur les gouvernements provinciaux et territoriaux et, surtout, sur leurs relations avec le gouvernement fédéral?

J'ai lu avec intérêt un récent article d'un journal saskatchewannais dans lequel on indique que le premier ministre de la province, Brad Wall, dont le gouvernement avait adopté l'an dernier une loi sur l'élection des candidats au Sénat, semble vouloir revenir sur cette décision. Voici un extrait de cet article :

M. Wall laisse entendre que les premiers ministres des provinces pourraient être mieux en mesure de défendre les intérêts de leur province à Ottawa qu'une Chambre haute établie précisément dans ce but.

Honorables sénateurs, comprenez-vous pourquoi certaines provinces tiennent absolument à ce que les changements proposés par le premier ministre Harper ne soient pas imposés par le Parlement sans qu'elles ne puissent participer au processus?

Un autre défi est de concilier le fait que les sénateurs seraient élus avec le fait que le Sénat n'est pas habilité à tenir des votes de confiance. Qu'en est-il du Cabinet? Les ministres seraient-ils choisis également dans les deux Chambres? Que se passerait-il avec notre vision d'un gouvernement responsable à qui on peut demander des comptes? La responsabilité serait-elle partagée entre les deux Chambres? Quel serait l'impact des campagnes électorales d'une Chambre sur les campagnes et les organisations politiques de l'autre? Et le coût de faire campagne sur l'ensemble d'une province ou d'un territoire? Les candidats aux élections sénatoriales seraient- ils subventionnés? Il serait vraiment ironique que les réformes visant à rendre le Sénat plus démocratique aient pour résultat que le Sénat soit encore plus l'affaire des riches que ce n'est actuellement le cas.

Le premier ministre Chrétien avait nommé au Sénat sœur Peggy Butts, une religieuse de ma province, la Nouvelle-Écosse, et ardent défenseur des pauvres et des démunis. Elle avait fait vœu de pauvreté. Reverrait-on une autre sœur Peggy au Sénat advenant une telle réforme?

Pour éviter de nous retrouver, selon les mots de Roger Gibbins, dans une situation « quelque peu chaotique », nous devons considérer toutes les implications d'une modification proposée. Comme M. Smith le suggère, nous devons aborder la question du Sénat d'un point de vue bicaméral, tout en examinant aussi en profondeur le cas de la Chambre des communes. Toute modification d'un organe a un impact inévitable sur l'autre. Il ne s'agit pas seulement d'examiner la question de l'autre endroit simplement parce que nous voulons modifier le Sénat. En effet, je crois qu'un grand nombre de Canadiens sont insatisfaits du fonctionnement de l'autre endroit. Le Sénat est peut-être bien une source d'irritation, mais ce n'est pas la raison pour laquelle le nombre d'électeurs qui se présentent aux urnes n'a jamais été aussi peu élevé dans ce pays. Le vrai renouveau parlementaire exige un examen des deux Chambres du Parlement.

Les sénateurs sont au courant que les libéraux ont organisé une série de groupes de discussion pendant les mois de prorogation du Parlement. L'un d'eux, à l'organisation duquel j'ai collaboré, portait sur l'état de santé de la démocratie parlementaire canadienne. Les membres du groupe et des personnes de l'auditoire ont posé un certain nombre de questions sérieuses sur des enjeux tels que la restriction du pouvoir du premier ministre de proroger le Parlement, le pouvoir du cabinet du premier ministre, l'engagement des citoyens, la nécessité de renforcer les comités parlementaires et le rôle des médias. On a très peu parlé de la réforme du Sénat. En fait, on peut se demander si la question aurait même été abordée n'eût été l'importance que le gouvernement Harper y attache.

Bien des questions ont été soulevées par les Canadiens pendant la récente prorogation du Parlement, y compris celle de savoir si des limites devraient être imposées au pouvoir discrétionnaire absolu du premier ministre de demander une prorogation. Les Canadiens ont dit qu'il fallait apporter des modifications au format de la période des questions et les événements récents ont montré qu'il est peut-être nécessaire de réexaminer la question de la suite à donner aux demandes de documents faites par des parlementaires, du moins lorsque ces demandes sont adressées au gouvernement.

Bien entendu, la question fondamentale est la suivante : les provinces et les Canadiens souhaitent-ils conserver un système bicaméral? Les frustrations exprimées de temps en temps par les gouvernements en place, c'est-à-dire non seulement le gouvernement actuel, mais aussi les gouvernements qui l'ont précédé, à l'effet que le Sénat retarde ou bloque carrément l'adoption de certains projets de loi, découlent en fait de la nature fondamentale d'un système bicaméral.

M. Smith a écrit que :

Essentiellement, partout, le bicaméralisme repose sur l'obstruction : plutôt que de renforcer le gouvernement, il le restreint [...]. Le bicaméralisme est fondé sur l'hypothèse que « deux décisions valent mieux qu'une ». Comme il faut davantage de temps pour prendre des décisions, le bicaméralisme est synonyme de contretemps.

Autrement dit, honorables sénateurs, c'est dans la nature des choses. L'existence d'une seconde Chambre ne plaît pas à tout le monde et ne suscite pas l'admiration de tout le monde. Pourtant, la grande majorité des fédérations de la planète ont opté pour des assemblées législatives fédérales bicamérales.

M. Ronald Watts a écrit ceci :

[...] le principe du bicaméralisme a été intégré aux corps législatifs fédéraux de la majorité des fédérations. La plupart de celles-ci ont constaté qu'une législature fédérale bicamérale était une caractéristique importante permettant de consacrer la représentation des éléments régionaux dans le cadre de l'élaboration des politiques au sein des institutions à « partage du pouvoir », qui sont un aspect important du fonctionnement efficace d'une fédération.

J'estime que la conclusion à laquelle en viendrait aujourd'hui une fédération serait la même qu'en 1867, à savoir qu'un système bicaméral constitue encore le meilleur choix. Autrement, il y a des provinces qui seraient incapables de se faire entendre comme elles devraient pouvoir le faire.

Comme George Brown l'a si bien dit en 1865 :

Nos amis du Bas-Canada [...]

— c'est-à-dire du Québec —

[...] ont accepté de nous donner une représentation en fonction de la population à la Chambre basse à la condition expresse d'obtenir l'égalité à la Chambre haute. Nous n'aurions pas pu avancer d'un pas si nous avions rejeté cette condition.

Bien des choses ont changé depuis 1865, mais je soupçonne que la nécessité d'un système bicaméral, sous une forme ou une autre, reste grande afin d'assurer un équilibre entre les régions. Or, le premier ministre Harper aimerait bien escamoter la question de la nature bicamérale de notre Parlement pour passer immédiatement à celles de la durée du mandat des sénateurs et du mode de nomination des sénateurs. Pour que ces questions puissent être traitées convenablement, il faut d'abord discuter en vue de s'entendre sur les fonctions, rôles et pouvoirs de chacune des deux Chambres et voir comment elles s'influencent mutuellement, et il faut que nos partenaires constitutionnels, les provinces, participent à ces discussions. Les provinces étaient présentes lorsque le système a été élaboré au départ, et nous savons déjà qu'un certain nombre d'entre elles veulent avoir leur mot à dire dans toute modification qui serait proposée. Les provinces doivent être parties prenantes lorsque ces modifications seront faites.

Quelle est la raison d'être du Sénat? Le premier ministre Harper et des membres de son gouvernement ont justifié les nominations de sénateurs en faisant valoir qu'elles s'imposaient si le gouvernement voulait faire adopter ses projets de loi au Sénat.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Le sénateur Wallin aurait déclaré récemment, selon le Hill Times : « Le travail premier du Sénat, aux termes de la Constitution, est d'approuver des projets de loi, ou d'étudier des projets de loi... »

Une voix : Scandaleux.

Le sénateur Cowan : Honorables sénateurs, il semble que les conservateurs de Harper, y compris au moins certains des sénateurs nommés par le premier ministre Harper, soient d'avis que le rôle du Sénat est d'approuver automatiquement les mesures qui figurent au programme du gouvernement.

Une voix : Embarrassant.

Des voix : Quelle honte!

Le sénateur Cowan : Cela n'a jamais été notre rôle. Le Sénat est une instance législative et son travail, aux termes de la Constitution, n'est pas d'approuver des mesures législatives, mais plutôt d'étudier et d'évaluer les projets de loi proposés et, au besoin, d'y apporter des modifications qui sont ensuite soumises à une étude à l'autre endroit.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Accepter de se laisser décrire comme une institution qui approuve automatiquement les projets de loi du gouvernement n'est pas une façon de renforcer notre crédibilité ni d'établir notre valeur auprès des Canadiens. Je comprends que ce rôle puisse être la seule façon de se gagner les faveurs du cabinet du premier ministre, mais, dans le cadre constitutionnel actuel, le Sénat est conçu spécialement et délibérément de façon à ce qu'il n'ait pas à se soucier d'obtenir les faveurs de l'exécutif.

Les Canadiens sont-ils d'avis que cet état de fait doit changer? Mon impression est qu'ils ne veulent surtout pas concentrer davantage le pouvoir au Cabinet du premier ministre. Un sondage récent de la maison Nanos a confirmé cette impression.

Selon moi, notre légitimité découle d'abord et avant tout de la bonne exécution des tâches que les Canadiens nous confient en vertu de la Constitution.

Honorables sénateurs, une autre question fondamentale concerne les pouvoirs des deux entités législatives dans un régime bicaméral. Les deux Chambres devraient-elles avoir essentiellement les mêmes pouvoirs, comme maintenant, ou leurs pouvoirs devraient-ils être différents? L'une d'elles a-t-elle pour rôle de représenter les régions de notre pays? Depuis 1867, le rôle des provinces et des territoires a beaucoup évolué dans la fédération canadienne. Quelle relation souhaite-t-on entre les provinces et les territoires, d'une part, et le Sénat, d'autre part, et ensuite vis-à-vis du gouvernement fédéral?

J'ai parlé tout à l'heure des intentions initiales des Pères de la Confédération, qui ont créé le Sénat pour qu'il représente les minorités politiques; autrement dit, l'opposition politique. Le Sénat a été conçu expressément pour être en mesure de représenter les opinions de l'opposition politique devant le gouvernement élu par la majorité et devant une Chambre des communes dominée par la majorité. Ce rôle est-il toujours important?

Le Sénat a également pour rôle de représenter d'autres minorités, les minorités linguistiques, culturelles, religieuses, et cetera. On attend de lui qu'il défende leurs droits. Là encore, faut-il maintenir ce rôle? Quelles devraient être les fonctions des deux Chambres?

La plupart des observateurs, y compris un grand nombre de ceux qui critiquent le Sénat, conviennent qu'il excelle particulièrement dans les travaux des comités, l'étude d'enjeux de politique d'intérêt public, l'étude des projets de loi et l'examen approfondi des activités du gouvernement. Le Sénat devrait-il faire davantage d'études sur de grandes questions de politique d'intérêt public? La Chambre des communes devrait-elle entreprendre davantage d'études? L'une ou

l'autre des deux Chambres doit-elle mettre l'accent sur cette fonction ou faut-il maintenir le statu quo?

La valeur de notre rôle de Chambre législative chargé d'un second examen objectif est reconnue, mais il faut faire remarquer que cela ne nous a jamais permis de nous faire des amis ou des admirateurs dans les rangs du gouvernement en place, peu importe son allégeance politique. Néanmoins, la plupart des observateurs indépendants estiment que c'est là une tâche qui est parmi celles où nous excellons le plus.

Y a-t-il d'autres choses que le Sénat devrait faire? Devrait-il jouer un rôle dans la ratification des traités, comme c'est le cas au Sénat américain? Le sénateur McCoy a récemment pris la parole parmi un groupe d'experts à l'occasion d'une conférence dirigée par les étudiants à l'Université Saint-Paul. C'est une question intéressante qui était soumise aux experts : le Sénat pourrait-il agir comme catalyseur d'un engagement public éclairé dans l'élaboration de politiques en matière d'éthique? Je pose la question aux sénateurs : est-ce possible et est-ce souhaitable que cette fonction de catalyseur fasse partie du rôle du Sénat?

En Australie, le Sénat étudie les prévisions de dépenses qui lui sont renvoyées et il en fait rapport. Il a le pouvoir de refuser les crédits, et ce pouvoir est réel. Il s'en est servi. Le Sénat du Canada devrait-il exercer plus de pouvoir à l'égard des prévisions de dépenses? Devrait-il les étudier avant qu'elles ne soient soumises à la Chambre des communes? Les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales ont acquis depuis longtemps des compétences et une bonne approche à cet égard. Peut-être pourrait-on tirer parti de ces atouts.

Une fois définis les pouvoirs, rôles et fonctions du Sénat dans notre régime, c'est alors, et alors seulement, qu'il faudra s'attaquer aux questions de la répartition des sièges, de l'élection ou du choix des sénateurs et de la durée de leur mandat.

S'il est décidé de maintenir le rôle du Sénat comme représentant de la dissidence politique, comment tiendra-t-on compte de ce rôle dans la structure d'un Sénat réformé? Si nous conservons le rôle de représentation des minorités linguistiques, ethniques et autres, cela aura-t-il des conséquences pour les modalités du choix des sénateurs? Lesquelles?

Je ne suis pas nécessairement contre l'élection des sénateurs, mais que deviennent les parties qui sont les plus touchées par ce changement, c'est-à-dire les provinces et territoires, et la Chambre des communes?

Comme je l'ai déjà dit, on peut soutenir qu'un sénateur élu pour représenter toute une province et qui aurait un mandat de huit ans pourrait prétendre avec force représenter cette province au palier fédéral. Qu'elles seraient les conséquences d'une telle prétention sur le rôle des gouvernements provinciaux et territoriaux au sein de notre fédération? Aux États-Unis, je crois qu'il est juste de dire que les sénateurs détiennent beaucoup de pouvoir comparativement aux gouverneurs des États. Les sénateurs comprennent pourquoi les provinces et les territoires auront d'excellentes raisons d'insister pour avoir un rôle à jouer à cet égard.

Une deuxième Chambre, pour prendre tout son sens, ne peut pas être la simple copie de la première. Si les membres des deux Chambres sont élus en même temps, il est possible que la composition des deux soit semblable, ce qui réduirait la probabilité que le Sénat soit un contrepoids efficace soit du pouvoir exécutif, soit de l'autre endroit.

Les rôles, pouvoirs et fonctions de chacune des deux Chambres devraient déterminer comment et quand doivent se tenir les élections au Sénat. Il y a énormément de questions à examiner et à régler et j'en ai déjà mentionné quelques-unes.

Les impasses sont inévitables dans les rapports entre les deux Chambres. Comment seront-elles réglées si les deux invoquent leur mandat électoral et la même légitimité politique? Est-ce que les décisions du Sénat deviendront des votes de confiance? Qu'adviendra-t-il du Cabinet et de tout notre concept de gouvernement responsable qui est si fondamental dans notre système? Comment cela fonctionnera-t-il si les deux Chambres sont élues?

En ce moment, la composition du Sénat reflète davantage le Canada que la Chambre des communes. Par exemple, le pourcentage de femmes est plus élevé au Sénat que dans toute assemblée législative fédérale ou provinciale canadienne.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : La représentation des Autochtones a toujours été plus forte au Sénat qu'à l'autre endroit. Les minorités linguistiques y sont aussi mieux représentées. Mon amie, le leader adjoint de l'opposition au Sénat, est une francophone de l'Alberta. Y a-t-il des Albertaines francophones à l'autre endroit? Je n'en vois aucune.

Nous avons une profondeur et une somme d'expériences que l'on peut dire uniques et qui nous donne une certaine force : nous avons d'anciens ministres, députés, législateurs provinciaux, premiers ministres de provinces et de territoires, maires de petites et grandes municipalités, fonctionnaires fédéraux, provinciaux et municipaux, nous avons des professionnels, des hommes et des femmes politiques de premier plan, des médecins et des avocats renommés, nous avons aussi des gens d'affaires et des universitaires. Cette profondeur et cette variété sont-ils souhaitables compte tenu des objectifs sur lesquels tous s'entendent pour le Sénat? Peut-on reproduire une telle variété dans une Chambre élue et, sinon, y a-t-il lieu de s'en préoccuper?

Si les sénateurs étaient élus, comment devrait-on procéder? Devrait-on faire comme à la Chambre des communes? Devrait-on utiliser un mode de scrutin préférentiel, la représentation proportionnelle ou une autre forme d'élections hybrides? Si une forme de représentation proportionnelle était adoptée, comment l'adapterait-on aux provinces et aux territoires qui n'ont que quelques sièges, ou même un seul, au Sénat?

Comment s'effectuerait la transition vers cette représentation, étant donné qu'il pourrait n'y avoir qu'un seul siège à combler à la fois?

Quel système de financement électoral faudrait-il adopter? Les campagnes électorales qui auraient lieu dans les provinces et les territoires coûteraient nécessairement plus cher que les campagnes des députés. Comme je l'ai mentionné plus tôt, comment pourrions- nous nous assurer que le Sénat ne devienne pas l'apanage des riches?

Et qu'en est-il du rôle des partis politiques? On s'interroge de plus en plus sur la nature partisane de notre système politique. Il semble probable que les partis politiques joueront un rôle important si nous avons un Sénat élu. Cela inquiète-t-il les Canadiens?

Nous avons actuellement un certain nombre de sénateurs indépendants qui ne sont affiliés à aucun caucus. Cette situation est-elle avantageuse? Y aurait-il un moyen — il n'y en a probablement pas — de prévoir des dispositions de financement permettant à des candidats sans affiliation politique de se présenter contre les candidats des partis à d'éventuelles élections sénatoriales?

Ces aspects sont liés aux questions soulevées au sujet d'un Sénat élu, mais de nombreuses propositions ont été avancées au fil des ans favorisant différents modèles élus ou nommés, mais à partir d'une liste de candidats établis par un groupe de Canadiens respectés, eux- mêmes choisis d'une façon ou d'une autre par les gouvernements ou les assemblées législatives des provinces, ou encore un modèle mixte comprenant à la fois des sénateurs nommés et des sénateurs élus. Le présent gouvernement a fait un choix clair, mais il ne constitue qu'un seul des partenaires en présence. Ces questions ne peuvent pas faire l'objet de décisions unilatérales. Les provinces doivent avoir leur mot à dire.

La question de la représentation régionale au Sénat est couramment considérée comme l'une des plus pressantes qui se posent à l'heure actuelle. Cette question devra être réglée à titre de première étape de toute proposition de réforme du Sénat. Or, le gouvernement n'a rien proposé à ce sujet.

Comment les sièges du Sénat devraient-ils être répartis? En juin 2006, les sénateurs Austin et Murray ont proposé une motion destinée à amorcer ce changement constitutionnel. La motion prévoyait de modifier la Constitution de façon à porter à 12 le nombre de sièges de la Colombie-Britannique et à 24 celui des provinces des Prairies — 10 pour l'Alberta, sept pour le Manitoba et sept pour la Saskatchewan — afin de tenir compte de l'importante croissance des provinces de l'Ouest depuis 1915, date du dernier rajustement de la répartition des sièges pour ces provinces. Hélas, le gouvernement n'a pas cru bon de donner suite à cette initiative.

Ayant un point de vue différent, le sénateur Tkachuk avait proposé un amendement à la motion Austin-Murray qui aurait fait de la Colombie-Britannique une région dotée de 24 sièges au lieu des 12 proposés par les sénateurs Austin et Murray. J'espère qu'il participera au débat sur cette interpellation et qu'il nous présentera son point de vue actuel sur la question.

Des Canadiens intéressés ont avancé d'autres idées. Thomas Hall, ancien greffier à la procédure de la Chambre des communes, et W. T. Stanbury, professeur à l'Université de la Colombie-Britannique, ont récemment écrit de longs articles dans le Hill Times pour exposer leurs idées sur la réforme du Sénat. Leur but fondamental, ont-ils dit, était de faire fond sur les points forts du Sénat. Citant Andrew Potter, ils estiment que le Sénat est le plus efficace dans son rôle de Chambre de second examen réfléchi, d'étude des mesures législatives et d'enquête sur les activités du gouvernement et de ses divers organismes.

Hall et Stanbury rejettent la notion d'un Sénat élu. Pour eux, les Pères de la Confédération ont ainsi conçu la Chambre haute pour assurer la prééminence de la Chambre des communes élue. Ils sont également d'avis que le nouveau Sénat ne devrait pas s'approprier des pouvoirs qui appartiennent actuellement aux premiers ministres démocratiquement élus des provinces.

Honorables sénateurs, vous pouvez voir pourquoi, pour reprendre les termes de M. David Smith, le bicaméralisme et le fédéralisme ont de l'importance. Il est absolument essentiel de s'entendre sur cet objectif avant de faire les choix nécessaires à la conception du nouveau Sénat.

Hall et Stanbury ont avancé un certain nombre d'idées intéressantes, dont je ne mentionnerai que deux cet après-midi.

Ils ont dit que la meilleure façon de moderniser le Sénat et d'augmenter son efficacité est de restreindre le pouvoir illimité qu'a le premier ministre de conseiller le gouverneur général quant à la nomination des sénateurs. Pour eux, la façon dont les sénateurs sont choisis par le premier ministre constitue la principale raison pour laquelle les Canadiens croient que le Sénat manque de légitimité. Il n'y a pas de doute que beaucoup d'entre nous s'opposent à l'idée que les Canadiens ont des doutes quant à la légitimité du Sénat, mais nous sommes presque tous conscients de l'existence d'un problème de légitimité.

Hall et Stanbury proposent de créer une commission indépendante chargée de recommander des candidats sénateurs au premier ministre. Cette commission serait dirigée par un juge à la retraite et compterait, à part lui, dix membres d'une grande réputation représentant les dix provinces, qui auraient fait preuve d'une connaissance approfondie des affaires publiques.

La commission appliquerait des critères législatifs reflétant les tâches dont les sénateurs doivent s'acquitter : examen détaillé des projets de loi adoptés par l'autre endroit, discussion réfléchie du bien-fondé et des conséquences probables des projets de loi du gouvernement, examen de perspectives politiques émergentes ou futures et rôle de tribune pour les Canadiens désireux d'exprimer leur point de vue sur les questions et les initiatives courantes.

Pour Hall et Stanbury, le Sénat pourrait contribuer davantage si le rôle des partis politiques y est restreint tant dans la façon dont les sénateurs sont choisis — ce qui explique l'idée de créer une commission des nominations au Sénat — que dans la façon dont le Sénat est organisé. Ils proposent d'adopter les divisions régionales établies dans la Constitution plutôt que l'organisation en fonction des partis politiques. Les 105 sénateurs seraient répartis entre quatre caucus régionaux. Ils décrivent le processus d'examen des projets de loi du gouvernement dans cette nouvelle institution non politique. Je n'irai pas dans les détails. Qu'il me suffise de dire que c'est une idée originale qui suscite la réflexion. Je vous recommande donc de lire ces articles.

Honorables sénateurs, la modification de nos institutions parlementaires est une mesure très grave. Je crois qu'il est approprié de se demander si une institution qui a été conçue au XIXe siècle et qui nous a si bien servis pendant 140 ans est appropriée pour le XXIe siècle. Toutefois, une telle mesure doit faire l'objet d'une discussion sérieuse, tant au niveau de la substance et des préoccupations réelles que de la façon de procéder, c'est-à-dire que nous devons obtenir la participation des provinces et des territoires, et, à mon avis, des Canadiens eux-mêmes. On ne peut se contenter de la soumettre à une discussion restreinte sur la Colline du Parlement, se tenant presque littéralement dans une tour de la Colline. On ne peut imposer une solution aux Canadiens. Nous avons vu que cela ne fonctionne pas.

Notre Parlement a été soigneusement conçu par les Pères de la Confédération et la sagesse sur laquelle sont fondés bon nombre de leurs jugements a été prouvée à bon nombre de reprises au cours de notre histoire. Nous sommes véritablement un grand pays, le meilleur au monde à mon avis, mais cela ne veut pas dire pour autant que nous ne devrions pas y jeter un œil nouveau, en tenant compte de l'histoire qui nous a menés là où nous en sommes aujourd'hui et des raisons qui ont motivé les divers choix effectués au fil des années.

Honorables sénateurs, j'ai essayé cet après-midi de soulever certaines questions. J'invite tous et chacun d'entre vous à participer à cet important débat, à soulever des questions et peut-être aussi à proposer des réponses. Puis, je crois que nous devrions présenter ces questions et ces réponses aux élus de nos provinces et aux gens qui y vivent. C'est ainsi que nous pourrons amorcer un vrai processus de réforme parlementaire, dans la tradition de notre grande démocratie parlementaire et en vertu de la Constitution du Canada.

Des voix : Bravo!


Déclarations récentes des sénateurs libéraux

L'impact des démences sur la société

11 mars, 2010 | Par la sénatrice Sharon Carstairs | Honorables sénateurs, le lundi 4 janvier 2010, la Société Alzheimer a publié un rapport d'étude intitulé « Raz-de-marée : Impact de la maladie d'Alzheimer et des affections connexes au Canada ». L'étude a été menée par RiskAnalytica, société renommée dans la gestion du risque.

La réforme du Parlement

11 mars, 2010 | Par le sénateur James Cowan | Honorables sénateurs, cela fait un certain temps maintenant que le gouvernement prône la réforme démocratique. Le premier ministre Harper a même créé le poste de ministre d'État à la Réforme démocratique, auquel il a nommé l'honorable Steven Fletcher. Je ne remets pas du tout en question l'engagement du gouvernement à l'égard de la véritable réforme démocratique au Canada, et c'est d'ailleurs pour cela que j'ai présenté cette interpellation.

Le règlement sur le statut de réfugié

11 mars, 2010 | Par le sénateur Roméo Dallaire | Madame le sénateur estime-t-elle que c'est un traitement équitable pour des personnes qui ont essayé de rester au Canada, qui ont fait des demandes, mais ont essuyé un refus? Cette femme qui vit au Canada depuis des années a droit à quatre jours à peine pour tout mettre en ordre, et elle sera simplement éjectée du Canada.

La vie active chez les aînés et le bénévolat—Le budget de 2010

11 mars, 2010 | Par le sénateur Terry Mercer | Madame le leader du gouvernement au Sénat et ancienne ministre d'État aux Aînés appuiera-t-elle, comme le préconise la recommandation no 26, au chapitre 7 du rapport du Comité sur le vieillissement, la mise sur pied d'un comité sénatorial spécial pour étudier le bénévolat, les difficultés nouvelles que posent le recrutement de bénévoles et leur fidélisation, ainsi que le rôle du gouvernement fédéral dans le soutien de la capacité du secteur bénévole?

La stratégie relative au vieillissement—Le budget de 2010

11 mars, 2010 | Par la sénatrice Sharon Carstairs | Pourquoi n'avons-nous pas de stratégie nationale relative au vieillissement?
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