La démocratie repose sur la voix du peuple

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Publié par le sénateur Tommy Banks le 12 juillet 2011

Depuis quelques années au Canada, il arrive de plus en plus fréquemment que des questions de gouvernance nous amènent à nous interroger sur la suprématie du Parlement.  

On a vu certains premiers ministres et ministres fédéraux refuser de se conformer à des ordres explicites de la Chambre des communes et ne pas donner force de loi à certaines mesures législatives adoptées par le Parlement ou ne pas les mettre en application.

La lutte de pouvoir qui dure depuis des siècles entre les représentants élus et les ministres de la Couronne est aussi vieille que l’ancêtre de tous les Parlements. On constate depuis longtemps une montée en puissance des représentants du peuple, qui siègent au Parlement, et le déclin du pouvoir absolu de la monarchie ou du pouvoir ministériel. Aujourd’hui, aux termes du texte et de la convention de la Constitution canadienne, le pouvoir du Parlement surpasse celui de  Couronne, en l’occurrence le gouvernement. Toutefois, en pratique, cette suprématie est bafouée lorsque les députés baissent l’échine devant l’arrogance d’un gouvernement qui fait fi de l’opinion des parlementaires, qui brandit la menace d’élections et qui intimide les députés, même les ministériels, pour les forcer à adopter son programme législatif sans en changer un iota.

Au milieu du XIXe siècle, le modèle de gouvernement responsable a fait son apparition dans les colonies britanniques de l’Amérique. Lors de sa constitution, il était entendu que le Canada devait être dirigé par un gouvernement responsable. Ce principe constitue la pierre angulaire de notre démocratie. Lorsqu’un gouvernement responsable est en place, les ministres de la Couronne ne peuvent plus gouverner par décrets. Les ministres sont alors assujettis aux représentants élus par le peuple, puisqu’ils ne s’acquittent de leurs fonctions qu’avec le consentement de la Chambre des communes. En fait, au Canada, il est faux de dire qu’un gouvernement est élu. Le gouvernement canadien est nommé par le gouverneur général qui évalue lequel des chefs de parti peut vraisemblablement obtenir le plus de votes à la Chambre des communes.

En dernier ressort, la Chambre des communes a le pouvoir incontestable de faire tomber le gouvernement si elle le souhaite. Voilà l’essence du principe de gouvernement responsable. À défaut de ce principe, nous reviendrions à une forme de monarchie absolue dans laquelle un premier ministre, plutôt qu’un monarque, disposerait d’un pouvoir illimité. Or, c’est vers cela que nous nous dirigeons actuellement.  

Dans une démocratie fondée sur le principe du gouvernement responsable, il est étonnant d’entendre un gouvernement se réclamer, comme certains le font,  du « privilège de l’exécutif » (un concept américain qui n’a pas sa place dans notre système parlementaire) et de l’immunité à l’égard du pouvoir de la Chambre des communes. Il est incroyable d’entendre un gouvernement affirmer qu’il ne faut pas faire confiance aux parlementaires pour ce qui est des documents sensibles. On a l’impression que le premier ministre a oublié que l’autorité du Parlement prime sur celle des ministres de la Couronne.

À titre d’exemple bien simple, signalons que le Canada est le seul pays membre de l’OTAN où il n’existe pas de surveillance parlementaire à l’égard des activités liées aux renseignements de sécurité.

Malheureusement, les gouvernements ne sont pas les seuls à avoir oublié le bon ordre des choses. Plusieurs premiers ministres ont fait fi du pouvoir du Parlement, sans s’attirer le moindre reproche, en grande partie parce que les représentants élus à la Chambre des communes ont collectivement oublié les principes fondamentaux de la Constitution et le rôle qui incombe à la Chambre des communes dans le régime parlementaire qui est le nôtre.

 

Le Sénat a lui aussi failli à la tâche à certaines occasions, mais il ne peut (tant qu’il ne sera pas élu) faire tomber le gouvernement. Ce dernier recours demeure entre les mains des représentants élus à la Chambre des communes.

Ce manque de courage collectif à la Chambre des communes n’est pas une nouveauté; il érode depuis des décennies la suprématie durement gagnée du Parlement du Canada sur la Couronne et sur ses ministres. La dégradation des travaux du Parlement n’est pas uniquement attribuable à la détérioration des relations entre les ministériels et les représentants de l’opposition; la cause se situe au niveau des caucus de parti, particulièrement dans le caucus ministériel, quel que soit le parti au pouvoir.

Le premier ministre britannique se réveille encore le matin avec la crainte, par ailleurs salutaire, des députés de son propre parti, et le président américain suit de près les réactions des membres du Congrès même s’ils sont de la même allégeance que lui. Cependant, au Canada, le premier ministre en est arrivé à traiter ses collègues de caucus avec dédain ou, pire encore, avec indifférence. Il se permet d’ignorer que c’est la Chambre des communes qui lui confère son pouvoir, non l’inverse. Quant aux députés, ils ont soit oublié comment se prévaloir de leur pouvoir collectif, soit perdu le désir de l’exercer.

Il ne faudrait toutefois pas faire l’erreur de croire que cette situation, apparemment devenue acceptable, est uniquement la conséquence de subtiles machinations des premiers ministres qui se sont succédé.  

Les parlementaires des deux Chambres sont tout autant à blâmer parce qu’ils n’ont pas la motivation, le désir et, en définitive, la détermination d’affirmer leur autorité pour résister à la concentration grandissante du pouvoir dans les mains du premier ministre et pour rétablir l’équilibre dans le système. La Grande Charte visait essentiellement à faire en sorte que le roi et les ministres demandent aux communes la permission de lever des impôts et que, avant d’être autorisés à dépenser, ils convainquent les représentants du peuple d’appuyer le budget. Si les gens qui étaient présentes à Runnymede voyaient les parlementaires canadiens en action, ils se retourneraient dans leur tombe, mais Charles I applaudirait.

Tant et aussi longtemps que les parlementaires ne réagiront pas, tant qu’ils laisseront le premier ministre et les ministres les traiter comme quantité négligeable, la tendance vers la constitution d’un cercle interne de plus en plus puissant à l’abri de l’autorité parlementaire se maintiendra.

Les tensions qui existent entre les ministres de la Couronne et les parlementaires sont généralement considérées comme des questions juridiques. Force est d’admettre que certaines questions peuvent avoir une dimension juridique, mais plus important encore, ce sont des questions politiques. Quand un gouvernement refuse, comme c’est déjà arrivé, de se conformer à la volonté de la majorité des députés à la Chambre des communes, il y a lieu de s’interroger sur la démocratie dans laquelle on évolue.

En bref, il faut se demander si on vit réellement dans une démocratie parlementaire digne de ce nom.  

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