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L’étude sur les pratiques exemplaires et les problèmes constants du logement dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites du Nunavut, du Nunavik, de Nunatsiavut et des Territoires du Nord-Ouest

L’étude sur les pratiques exemplaires et les problèmes constants du logement dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites du Nunavut, du Nunavik, de Nunatsiavut et des Territoires du Nord-Ouest

L’étude sur les pratiques exemplaires et les problèmes constants du logement dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites du Nunavut, du Nunavik, de Nunatsiavut et des Territoires du Nord-Ouest

L’étude sur les pratiques exemplaires et les problèmes constants du logement dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites du Nunavut, du Nunavik, de Nunatsiavut et des Territoires du Nord-Ouest


Publié le 7 mars 2017
Hansard et déclarations par l’hon. Lillian Eva Dyck

L’honorable Lillian Eva Dyck :

Honorables sénateurs, c’est un honneur et un privilège de prendre la parole aujourd’hui en tant que présidente du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et de consigner au compte rendu quelques observations sur le rapport intitulé Le logement dans l’Inuit Nunangat : Nous pouvons faire mieux!

J’aimerais d’abord remercier le vice-président, c’est-à-dire le sénateur Dennis Patterson, ainsi que tous les autres membres du comité qui ont entendu ici à Ottawa les témoignages ou qui ont pu nous accompagner lors de notre tournée dans le Nord, une tournée qui s’est avérée mémorable. J’aimerais également remercier notre greffier, Mark Palmer, nos analystes, Brittany Collier et Alexandre Lavoie, ainsi que Tony Spears, le rédacteur de la Direction des communications du Sénat, qui nous a accompagnés lors de notre tournée et a tenu un blogue quotidien. Je crois que c’est en grande partie en raison de ce blogue, qui a été largement lu, que nous fait l’objet d’une attention particulière.

J’aimerais également remercier le sénateur Patterson, qui nous a accueillis lorsque le comité était à Iqaluit. Son épouse et lui nous ont offert dîner et divertissements pour une soirée. Nous leur en sommes très reconnaissants. Je tiens également à remercier le sénateur Watt qui, lorsque nous avons visité Kuujjuaq, s’est assuré que nous rencontrions les bonnes personnes et que tout se déroule bien là-bas.

Le rapport énonce les observations du comité, ses constatations et ses recommandations à la suite de l’étude sur le logement dans le Nord, qui a été réalisée de février à juin 2016. L’étude a examiné les pratiques exemplaires et les difficultés continuelles relatives au logement dans l’Inuit Nunangat, qui signifie « le lieu où vivent les Inuits », en inuktitut.

Ce qui est merveilleux à propos du rapport, c’est que nous l’avons fait traduire en inuktitut, car il concerne réellement les gens qui vivent là-bas et que leur langue première est l’inuktitut. Si vous consultez le site web, vous pourrez voir le rapport en inuktitut, en écriture syllabique. Je crois que c’est l’une des meilleures décisions que nous ayons prises. Nous l’avons fait pour honorer les Inuits et faire en sorte qu’ils puissent accéder au rapport plus facilement. J’estime que c’est une bonne chose.

Le rapport du comité a été éclairé par les témoignages entendus ici à Ottawa et lors de nos visites dans les collectivités. Ici même, à Ottawa, nous avons entendu plus de 50 témoins, notamment des représentants de gouvernements inuits, des sociétés d’habitation du Nord et des jeunes, ainsi que divers universitaires qui ont étudié le logement dans le Nord.

En avril 2016, des membres du comité se sont rendus dans des collectivités du Nunavut et du Nunavik pour constater la situation sur place. Nous avons ainsi rendu visite aux collectivités d’Iqaluit, d’Igloolik, de Kuujjuaq, d’Inukjuak et de Sanikiluaq. Nous avions également prévu de visiter Nain et le Nunatsiavut, mais le mauvais temps nous en a malheureusement empêchés. Nous aurions pu en fait nous y rendre par avion, mais nous n’aurions pas pu revenir à temps. Nous avons donc décidé d’annuler cette partie du voyage.

Quand je pense aux types d’aéronefs que nous avons pris et au fait que nous avons pu voler au-dessus de l’Arctique et en particulier du cercle arctique à l’occasion de notre visite d’Igloolik, je dois dire que le voyage a été mémorable. Nous avons pu ainsi constater que le Nord est comme tout le monde l’imagine — totalement plat et blanc, avec de la neige et de la glace partout, sans arbre, glacé et désertique.

À Igloolik, il y avait une station de recherche scientifique qui a été construite dans les années 1950, je crois. Le sénateur Patterson le confirme. Elle ressemble à un ovni, un objet volant non identifié. C’était frappant.

Je tiens également à remercier les membres des diverses communautés qui vivent dans ces petites villes et qui nous ont ouvert leurs portes, nous permettant ainsi de voir comment ils vivent. Nous leur en sommes très reconnaissants.

Nous avons pu nous rendre compte de la crise du logement dans l’Inuit Nunangat. Ce qui m’a frappée, c’est que contrairement à nos maisons, les leurs n’ont pas de sous-sol. Nous sommes habitués à des maisons qui sont munies d’un sous-sol ou qui, s’il n’y a pas de sous-sol, sont bâties sur une dalle sur sol. Là-bas, les habitations sont construites sur pilotis. De cette façon, lorsque le vent souffle, les bancs de neige n’engloutissent pas la maison. Cela m’a beaucoup frappée.

Nous avons constaté que les maisons étaient construites principalement selon les normes des codes du bâtiment en vigueur dans le Sud et que ces normes ne convenaient pas dans le Nord. Nous avons vu plusieurs maisons construites de cette façon. Ces maisons durent moins longtemps en raison du climat. Le bois se détériore parce qu’il se contracte et prend de l’expansion. Les fenêtres n’étaient pas suffisamment étanches. Ce n’était que des fenêtres à double vitrage qui isolaient mal la maison. Par conséquent, il y avait beaucoup de problèmes d’humidité. L’humidité créait du givre et de la glace qui s’accumulait.

L’une des pires choses est que, dans certaines de ces maisons, la porte d’entrée principale, qui était parfois la seule porte, était orientée vers le nord de sorte que le vent froid du nord entrait dans la maison. En raison de l’humidité, il arrivait que les portes soient bloquées par une couche de glace, ce qui posait un problème de sécurité. S’il y avait un incendie et que la porte était bloquée, il serait difficile de sortir rapidement de la maison. Qui plus est, dans un contexte de violence familiale où une personne aurait besoin de sortir de la maison, elle aurait de la difficulté à le faire. Ce sont là quelques-uns des problèmes de sécurité.

En outre, dans un cas, nous avons vu 15 personnes vivant dans une petite maison à trois chambres. Il n’y avait pas de sous-sol, souvenez-vous, et c’était une petite maison. Imaginez vivre ainsi toute l’année, en plein hiver, alors qu’il fait sombre dehors. C’est comme avoir toute votre parenté chez vous à Noël, sauf que Noël dure toute l’année. La maison n’avait pas d’éclairage, était mal chauffée, n’avait qu’une seule salle de bains et était envahie par l’humidité. C’est une situation qui ne devrait pas et qui ne devrait plus exister.

L’humidité produit beaucoup de moisissures, ce qui entraîne des maladies et des troubles respiratoires.

Des cas de tuberculose ont aussi été signalés. Il faut changer les choses.

Comme nous le disons dans le Sud du Canada, il faut accorder la priorité au logement, et c’est certes ce qu’on doit faire dans le Nord.

La grave pénurie de logements est exacerbée par les taux élevés de logements surpeuplés. De nombreux Inuits sont sur le point de devenir des sans-abri dans l’un des climats les plus rudes au monde. Au Nunavik, près de la moitié des familles inuites habitent dans des logements surpeuplés. Comme je l’ai déjà dit, nous avons vu une petite maison où vivaient 15 personnes. À l’arrière de la maison, il y avait une cabane où habitaient un jeune couple et leur bébé. Leur seule source de chauffage était une lampe traditionnelle à l’huile de phoque. Une telle situation ne peut plus durer.

Le Nord est également touché, bien sûr, par des problèmes liés au changement climatique. Dans l’une des communautés — je pense qu’il s’agissait d’Inukjuak —, le pergélisol commençait à fondre. Quand cela se produit, les fondations des maisons commencent à devenir instables. Nous avons vu des fissures dans les plafonds, là où les murs s’étaient déplacés, ainsi que des fissures autour des portes et le long des murs, au niveau du plancher. Les maisons bougent à cause de la fonte du pergélisol.

Maintenant, de concert avec les chercheurs de l’Université Laval, les dirigeants de la communauté tentent de trouver des zones environnantes où ils pourraient déménager les maisons, des endroits où il y a du substrat rocheux plutôt que du pergélisol. Fait intéressant, à Iqaluit, nous avons découvert qu’il n’y avait pas suffisamment de zones de roche dure ou de terrains plats où des logements pouvaient être construits. La communauté commence à manquer de zones pouvant être aménagées. Elle ne peut pas s’étendre trop horizontalement, donc elle devra peut-être s’étendre verticalement. Voilà le genre de choses que nous avons observées.

La crise du logement ne fait que s’aggraver au fil du temps. Nous sommes au courant de cette situation depuis des décennies. Maintenant que la jeune population inuite augmente rapidement, ce problème ne fera que s’aggraver encore davantage. Il y a déjà des besoins pressants à cause du nombre limité de maisons, et la moitié des Inuits sont âgés de 25 ans ou moins. C’est un problème urgent auquel il faut remédier dès maintenant.

Je vais maintenant parler des jeunes Inuits. Nous avons eu la chance d’entendre deux jeunes Inuits de Kuujjuaq qui nous ont très bien expliqué leur situation. Ils ont parlé des problèmes de santé des jeunes. Par exemple, un témoin nous a parlé du besoin d’offrir un refuge aux personnes qui sont victimes de violence à la maison ou qui ne se sentent pas assez en sécurité pour dormir à la maison et qui ont donc besoin d’un endroit où se réfugier. Si toutes les maisons sont surpeuplées, ces personnes n’ont nulle part où aller; il leur faut donc un refuge temporaire.

Nous n’en avons pas beaucoup parlé, mais nous avons aussi noté que le taux de suicide est de sept à huit fois plus élevé dans le Nord que dans le reste du pays. Selon deux témoins, Natan Obed, d’ITK, et la Dre Riva, chercheuse à l’Université Laval, les logements inadéquats des Inuits font partie des facteurs pouvant mener au suicide. Un enfant qui vit dans une maison avec 15 personnes et qui n’a aucun espace pour étudier n’a probablement pas d’endroit à lui pour dormir et doit probablement faire la queue pour aller à la salle de bain. S’il y a de la violence familiale, que peut-il faire?

La situation du logement est très contraignante. Il faut donc y remédier immédiatement. Nous comptons sur les jeunes pour mener le pays vers un avenir meilleur; pour qu’ils y parviennent, il leur faut un logement adéquat.

De plus, deux jeunes témoins, Louisa Yeates et Olivia Ikey, ont parlé de la façon dont elles ont voulu aller faire des études pour échapper au cercle vicieux. Toutefois, en quittant le Nord pour aller au Sud étudier, elles n’étaient plus considérées comme des habitantes du Nord, ce qui complique la recherche d’un logement au retour. Les politiques de logement étaient telles qu’elles étaient essentiellement victimes de discrimination. Elles ont dit que si elles n’étaient pas parties ailleurs pour faire des études, qu’elles étaient restées là et qu’elles avaient eu des bébés, elles auraient eu probablement accès à un logement. N’oublions pas que ces deux dames sont bien jeunes mais, comme elles étaient célibataires, qu’elles avaient fait des études et qu’elles gagnaient un bon salaire, elles ont eu plus de difficulté à trouver une maison.

Il ne leur a pas été avantageux de faire des études pour obtenir un emploi et gagner un bon salaire parce qu’elles n’ont pas pu se trouver une maison. Elles nous ont vraiment encouragés à recommander un examen de la politique de logement pour qu’une telle situation ne se reproduise plus. D’ailleurs, je me souviens que, en traversant Iqaluit, nous sommes passés par une route où nous avons vu des maisons. J’ai demandé alors quelles étaient ces maisons. On m’a répondu qu’il s’agissait de maisons pour les fonctionnaires, mais il était évident que personne n’y habitait.

Inukjuak et Igloolik sont de petites localités. À Inukjuak, de 10 à 15 maisons étaient vacantes. Personne n’y habitait, et ce, depuis des années dans certains cas. À Igloolik, on comptait 19 maisons vacantes qui étaient toutes considérées comme des maisons réservées aux fonctionnaires. Elles étaient vacantes. Les témoins nous ont dit qu’elles étaient probablement de meilleure construction que les maisons offertes aux gens de la place.

C’est une grande source de frustration pour les jeunes gens, qui constatent l’injustice dont ils sont victimes et qui n’ont pas le droit d’habiter dans ces maisons. Imaginez que vous êtes très mal logé, que vous n’avez pas de place, mais qu’une maison vacante se trouve tout près et que vous pourriez l’occuper si seulement la politique pouvait être changée. Donc, nous recommandons au gouvernement de changer ces politiques.

Notre rapport contient 13 recommandations qui, selon nous, pourraient être utiles pour commencer à résoudre le problème de logement dans l’Inuit Nunangat. Je viens de vous parler de la dernière recommandation, qui concerne les jeunes.

La première recommandation a trait au financement. Nous pensons qu’une stratégie fédérale de financement devrait être établie et qu’elle devrait prévoir des fonds suffisants, prévisibles et stables pour le logement dans l’Inuit Nunangat. Il n’est pas possible de fonctionner avec une enveloppe qui peut fluctuer d’année en année. On promet de l’argent une année, mais les matériaux de construction arrivent trop tard dans la saison, ce qui fait qu’il faut attendre au printemps, alors qu’un nouveau cycle budgétaire commence et que le financement déjà accordé ne tient plus.

Puis-je avoir cinq minutes de plus?

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Dyck : La stratégie de financement figurait au sommet de la liste. Nous sommes conscients qu’il faut pouvoir compter sur un financement stable à long terme pour remplacer — il convient de le souligner — la diminution graduelle du financement offert par la SCHL.

La SCHL a versé une grande partie du financement au début, et ces sommes servent à financer le logement social. Sa contribution diminue toutefois rapidement, et elle tombera à zéro dans 20 ans.

Rappelons que le revenu médian des résidants inuits n’est que de 30 000 $ par année, alors que le coût de la vie est élevé. Le fonctionnement et l’entretien d’une maison coûtent cher : on parle d’environ 35 000 $ par année, soit une somme supérieure au revenu médian.

Comme le montrent ces chiffres, peu de résidants ont les moyens d’être propriétaires. Le financement des logements sociaux est donc essentiel à l’heure actuelle. Sans financement consacré au logement social, la situation deviendra intenable.

Voici les messages clés : le financement vient en première place. Ensuite, la crise du logement dans l’Inuit Nunangat pose de graves problèmes de santé publique. En effet, la présence de nombreuses moisissures entraîne des maladies respiratoires; l’incidence de la tuberculose est d’ailleurs à la hausse. De plus, la violence domestique peut sévir dans certains foyers. Par ailleurs, on peut probablement établir des liens avec l’épidémie de suicide que connaît le Nord, sans compter que la crise du logement peut nuire à la réussite scolaire des enfants et des jeunes.

Nous devons agir sans tarder et régler cette question. Sinon, les gens se retrouvent dans un cycle terrible et n’arrivent pas à s’en sortir tant qu’ils n’ont pas de logement décent.

Nous sommes heureux d’annoncer que, pendant l’élaboration de notre rapport, en mai dernier, nous avons écrit aux ministres responsables de la SCHL et d’Affaires autochtones et du Nord pour leur demander de transférer des fonds directement aux organismes qui s’occupent du logement des Inuits plutôt qu’au gouvernement provincial. Le gouvernement a donné suite à notre demande, et nous lui recommandons de continuer dans la même voie. En effet, et c’est un autre thème important, nous avons découvert que personne n’est à l’écoute des Inuits et des autorités en matière de logement. Si on ne les écoute pas, il est impossible de bâtir une maison convenable. Si on ne leur verse pas les fonds directement, on ne favorise pas leur autonomie, on ne leur donne pas la possibilité de bâtir leur propre avenir.

 

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