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Le décès de Chow Quen Lee

Le décès de Chow Quen Lee

Le décès de Chow Quen Lee

L’honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin de commémorer la vie de Chow Quen Lee, qui s’est éteinte cette année à l’âge de 105 ans. Connue pour son franc-parler, cette activiste a lutté pour que justice soit faite dans le dossier de la taxe d’entrée imposée aux Chinois, qui a eu une incidence considérable sur sa vie et celle de nombreux autres immigrants chinois arrivés au Canada à la fin du XIXe et au début du XXe siècles.

En 1913, son futur époux, Guang Foo Lee, décide d’immigrer au Canada. À ce moment, la taxe d’entrée imposée aux Chinois est plus élevée que jamais, car elle est de 500 $. C’est un montant outrancier, équivalant à deux ans de salaire à l’époque. En 1930, Guang retourne en Chine pour épouser Chow Quen, après quoi il revient immédiatement au Canada. Malheureusement, à la consternation des nouveaux mariés, la Loi sur l’exclusion interdit à Chow, comme à tous les Chinois, d’immigrer au Canada jusqu’en 1947.

Les deux conjoints vivent donc séparés pendant 14 ans. En 1950, Chow Quen immigre enfin au Canada avec ses trois enfants, qui ont été conçus lors des trois visites que son mari s’est vu accorder sous conditions, de 1930 à 1950.

Chow Quen garde un souvenir très vif des injustices que sa famille a dû endurer pour immigrer au Canada. Son fils, Yew Lee, en témoigne :

J’ai un souvenir de l’époque où j’avais cinq ou six ans. Je vois ma mère ouvrir une vieille malle de voyage rouillée, placée dans un coin de notre deux-pièces situé au-dessus d’un petit restaurant. Elle en retire un document, le dépoussière et dit : « Ce document est très important. Cette affaire-là n’est pas réglée et nous allons nous en occuper un jour. »

Il s’agit du certificat d’entrée qui avait été remis à son mari lorsqu’il a payé la taxe d’entrée de 500 $ pour immigrer au Canada en 1913.

À l’âge vénérable de 80 ans, après avoir passé le plus clair de son existence à parcourir le pays pour parler publiquement du traitement discriminatoire que le Canada a réservé aux immigrants chinois dans le passé, elle se porte volontaire pour agir à titre de demanderesse principale dans un recours collectif intenté contre le gouvernement fédéral afin d’obtenir réparation pour la taxe d’entrée. La poursuite a été rejetée, de même que l’appel, mais elle a mis en branle une démarche qui a abouti à des excuses officielles et à des réparations, en 2006, sous l’ancien premier ministre Stephen Harper.

Chow Quen était heureuse de voir enfin le gouvernement manifester son respect envers la communauté chinoise. Toutefois, comme tant d’autres, elle a déploré le règlement symbolique comme étant trop peu, trop tard, surtout qu’il est insignifiant par rapport aux 23 millions de dollars que le gouvernement canadien a collectés auprès des quelque 81 000 personnes qui ont dû payer la taxe d’entrée.

Chow Quen Lee était une mère, une épouse et une militante pour la justice sociale touchante, qui s’est battue jusqu’à son dernier souffle, souvent dans un fauteuil roulant. Elle s’est battue pour ceux qui ont souffert aux mains du régime d’immigration. Chow Quen Lee est une inspiration pour nous tous. Puisse-t-elle enfin reposer en paix en sachant que sa lutte est terminée. J’adresse mes sincères condoléances à sa famille.