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Une assemblée choisie au hasard serait un désastre

Une assemblée choisie au hasard serait un désastre

Une assemblée choisie au hasard serait un désastre

Une assemblée choisie au hasard serait un désastre


Publié le 14 décembre 2016
Publication @fr par l’hon. Paul Massicotte

Qui veut faire partie de l’équipe canadienne de hockey lors des prochains Jeux olympiques ? Qui sait, il pourrait y avoir de nombreuses ouvertures si la LNH ne permet pas à ses joueurs de prendre part aux Jeux d’hiver de 2018. Mais imaginez qu’Équipe Canada choisisse au hasard des personnes dans la file d’attente d’un Tim Hortons pour former son équipe olympique de hockey. Les résultats seraient bien entendu désastreux. Alors pourquoi s’attendrait-on à de meilleurs résultats en remplaçant le Sénat par une assemblée de citoyens choisis au hasard ?

Oublions les compétences et le travail acharné. Si votre nom est pigé au hasard, ce pourrait être votre année chanceuse.

Tout cela semble ridicule, n’est-ce pas ?

Le mois dernier, Arash Abizadeh, professeur à l’Université McGill, a utilisé la même logique dans un article dans lequel il proposait de remplacer le Sénat par une assemblée de citoyens choisis au hasard. Je me suis par la suite joint au professeur et à plusieurs autres intervenants lors d’un forum public visant à discuter de cette idée.

Je comprends que ces propos peuvent donner lieu à des manchettes accrocheuses dans les médias et paraître comme une lubie d’un universitaire intelligent et sérieux, mais il s’agit tout de même d’une idée qui s’éloigne du fondement de la véritable prise de décisions. La rédaction et l’adoption de lois, cependant, sont des réalités qui ont de profondes répercussions sur les Canadiens et qu’il ne faut pas laisser au hasard.

Le professeur Abizadeh a soutenu que, par le passé, des assemblées formées de citoyens choisis au hasard ont connu beaucoup de succès dans d’autres administrations en citant les exemples d’assemblées de réforme électorale en Ontario et en Colombie-Britannique. Le professeur n’a toutefois pas mentionné que les électeurs ont rejeté les solutions qui ont été proposées par ces assemblées dans le cadre de référendums.

Cette situation peut être considérée comme une réussite pour un politicologue qui s’intéresse à ce dossier du haut de sa tour d’ivoire sur un campus universitaire, mais cela ressemble davantage à une perte de temps et d’argent du point de vue du Parlement, où des décisions concrètes, qui ont une incidence sur tous les Canadiens, sont prises.

Et c’est là que se trouve la vérité. La modernisation de la gouvernance n’est pas synonyme d’expérimentation. La bonne gouvernance n’est pas seulement une question de processus, elle repose aussi sur les résultats.

Remplir la Chambre haute de personnes qui n’ont pas d’expérience politique ou législative ne ferait qu’alourdir le fardeau du personnel qui fournit de l’aide procédurale et stratégique. Nous n’avons qu’à jeter un coup d’œil aux nombreux projets de loi à l’étude pour saisir à quel point le processus législatif est complexe.

Cela se traduirait inévitablement par de longs délais, par une augmentation des coûts ainsi qu’une concentration des pouvoirs dans les mains des technocrates qui assistent l’assemblée.

De plus, les nominations au Sénat ont servi à s’assurer que les communautés sous-représentées aient une voix au Parlement. Que se produirait-il si le processus de sélection aléatoire, que le professeur Abizadeh défend, faisait en sorte qu’aucun Canadien autochtone ne soit pigé ? Que se passerait-il si aucun membre des minorités visibles ne gagnait la loterie de l’assemblée citoyenne ? En quoi ce système est-il légitime ? Le hasard ne permet d’obtenir une certaine représentativité que lorsque le nombre de tirages est immense.

D’un autre côté, plutôt que de remplir les sièges de la Chambre haute avec ces Canadiens sous-représentés qui ont besoin d’une voix plus forte, le professeur Abizadeh lui-même admet que ce tirage donnerait inévitablement lieu à ce qu’il décrit comme l’arrivée « de lunatiques, de racistes et misogynes » au Parlement. Comme il le mentionne, le « problème Donald Trump » n’en serait pas réglé.

En d’autres mots, consolider le mandat démocratique de la Chambre haute tout en affaiblissant la modération de ses membres ouvrirait la voie à une confrontation inévitable entre les deux chambres du Parlement.

En résumé, le modèle athénien — qui n’était guère efficace dans l’Antiquité — ne fonctionnerait tout simplement pas en cette ère de suffrage universel, de communication instantanée et d’administration politique complexe.

Alors que le Sénat s’apprête à subir les plus importants changements de son histoire longue d’un siècle et demi — tout ça sans altérer la Constitution canadienne — nous devons nous efforcer de ne pas porter atteinte aux remarquables institutions dont nous avons hérité.

Devant tout l’intérêt suscité par cette proposition, certains pourraient être tentés de précipiter les choses.