Forum des sénateurs libéraux

Deuxième lecture du projet de loi S-233, Loi édictant la Loi visant à accroître la sûreté des infrastructures souterraines et modifiant certaines lois en conséquence

Deuxième lecture du projet de loi S-233, Loi édictant la Loi visant à accroître la sûreté des infrastructures souterraines et modifiant certaines lois en conséquence

Deuxième lecture du projet de loi S-233, Loi édictant la Loi visant à accroître la sûreté des infrastructures souterraines et modifiant certaines lois en conséquence


Publié le 22 juin 2015
Hansard et déclarations par l’hon. Grant Mitchell

L’honorable Grant Mitchell :

Merci beaucoup, honorables sénateurs. Le titre officiel du projet de loi S-233 est « Loi édictant la Loi visant à accroître la sûreté des infrastructures souterraines et modifiant certaines lois en conséquence ».

Cela peut sembler un projet de loi inoffensif qui porte un titre assez discret mais, en réalité, il s’agit d’un projet de loi palpitant. Croyez-moi. Mon collègue, le sénateur Tannas, de l’Alberta, où il y a probablement plus de pipelines souterrains que n’importe où ailleurs dans le monde, sait exactement ce dont je parle.

Le projet de loi est le fruit d’un excellent travail de la part du Sénat — comme d’habitude. Il s’agit cette fois du Comité sénatorial de l’énergie, qui était alors sous la direction du sénateur David Angus. Nous avions entrepris une étude de trois ans sur la stratégie énergétique du Canada. Je crois que nous avons reçu 250 témoins, et nous sommes allés dans diverses régions du Canada pour étudier la question.

Lors de réunions qui ont eu lieu dans deux régions géographiquement distinctes, qui n’avaient aucun lien entre elles, deux personnes qui ne se connaissaient vraisemblablement pas m’ont parlé de la question. À une occasion, à Calgary, un cadre supérieur de l’industrie pétrolière a déclaré ce qui suit : « Savez-vous qu’aucune mesure législative exhaustive en Alberta ne prévoit que les gens doivent appeler avant de se mettre à creuser? » On a déjà entendu dire qu’il faut « appelez avant de creuser », pour ne rien frapper par inadvertance lorsqu’on creuse au moyen d’une pelle rétrocaveuse ou, même lorsque l’on creuse pour poser un poteau de clôture dans sa cour.

Puis, nous sommes allés à Sarnia, et, une fois de plus, sans qu’on le demande, un cadre supérieur de — je crois que c’était Union Gas — a déclaré ce qui suit : « Savez-vous que l’Ontario est la seule province qui a légiféré de manière exhaustive et rigoureuse sur la question d’appeler avant de creuser, et que c’est la seule province au Canada qui s’est dotée d’une mesure législative complète? » L’Ontario venait d’adopter cette mesure législative, et il lui restait encore à la mettre en œuvre. La mesure vient justement d’être mise en œuvre. Cela remonte à quelques années.

Avant d’aller plus loin, je dois préciser que c’était Bob Bailey, que le sénateur Runciman connaît sans doute. Ils ont peut-être siégé ensemble à l’Assemblée législative de l’Ontario. Il était un député provincial du Parti conservateur, alors que ce parti formait l’opposition, et il a travaillé, sous le gouvernement minoritaire, avec les néo-démocrates et les libéraux pour présenter cette mesure législative, qui créait un précédent au Canada. La plupart d’entre nous auraient tenu pour acquis qu’une telle mesure existait déjà dans les 10 provinces, et qu’une loi fédérale encadrait jusqu’à un certain point la question dans les territoires, même si la nécessité de le faire était moindre. J’ai été renversé lorsque les deux cadres supérieurs m’ont dit qu’il n’existait pas une mesure législative exhaustive sur ce sujet partout au pays.

Donc, que ferait cette mesure législative? En gros, une mesure législative qui prévoit que les gens doivent appeler avec de creuser s’inscrit dans la continuité du travail de la Canadian Common Ground Alliance, une alliance du secteur privé sans but lucratif qui s’active d’un bout à l’autre du pays pour qu’il y ait des centres d’appel structurés où les gens peuvent appeler avant de commencer à creuser — quoique maintenant, ils cliquent avant de creuser, puisque le service en ligne est plus commode — pour éviter que des infrastructures souterraines soient endommagés lors des travaux et éviter tous les coûts et les dangers que cela entraîne.

Nous sommes tous plus ou moins au courant de la situation, mais je pense que c’est l’année dernière, ou l’année précédente, qu’au Québec il y a eu pour quelque 75 millions de dollars en dommages causés par des atteintes à des infrastructures souterraines — par exemple, des pipelines, des canalisations d’égouts, des conduites d’eau ou des lignes électriques — parce que des gens ont creusé et heurté des installations faute d’avoir fait le nécessaire pour les localiser.

La dernière année où, à ma connaissance, le coût total a été calculé en Ontario — je rappelle que les incidents ne sont pas tous signalés et évalués —, il y a eu pour 37 millions de dollars de dommages. Nous avons eu connaissance de cas où de gens ont été blessés ou tués parce qu’un pipeline avait éclaté, ce qui aurait pu être évité si l’entreprise — le conducteur de pelle rétrocaveuse ou l’entrepreneur, qu’importe — avait appelé avant de creuser ou avaient consulté un site web, comme c’est maintenant le cas de l’Alberta, où 75 p. 100 des contacts se font sur un site web. Ce genre de dommage et de danger pourrait être grandement réduit.

Donc, que veut-on dire par appeler avant de creuser? C’est un ensemble de choses. Cela requiert un centre où une personne peut appeler. Avant que la mesure législative soit adoptée en Ontario, un entrepreneur devait appeler jusqu’à 13 organismes avant de creuser s’il voulait avertir tous les propriétaires d’infrastructures souterraines. Il faut donc un lieu où tous les appels sont centralisés, si je puis dire.

Deuxièmement, ce centre doit idéalement rassembler tous les propriétaires d’infrastructures souterraines, des municipalités aux exploitants des oléoducs et des gazoducs en passant par les compagnies de téléphone, les câblodistributeurs et j’en passe. Ce centre d’appels pourra alors disposer d’une base de données facilitant la localisation des infrastructures souterraines. Il faut aussi qu’un processus, que la Common Ground Alliance est aussi en train d’élaborer, permette la mise en commun des pratiques à adopter lorsqu’on doit creuser dans le sous-sol. Tous ces aspects doivent faire partie d’une mesure législative sur les pratiques sécuritaires d’excavation et de construction.

Le projet de loi dont nous sommes saisis ne couvre pas le troisième aspect. Il découlera de l’élaboration commune des pratiques exemplaires, ce à quoi s’emploie notamment la Canadian Common Ground Alliance.

Nous avons donc repris le travail amorcé par les deux personnes dont j’ai parlé tout à l’heure. Mon adjoint Kyle Johnston a entrepris de communiquer avec les parties intéressées et nous avons commencé à travailler sur ce projet.

Je tiens à mentionner deux personnes qui ont joué un rôle déterminant : il s’agit de James Tweedie et Mike Sullivan. Les deux occupent des postes supérieurs et ont donné beaucoup de leur énergie et de leur temps, surtout à titre bénévole, à la Canadian Common Ground Alliance et aux efforts visant à créer un centre d’appels au Canada. C’est grâce à leur aide et à leur apport que nous avons pu entreprendre ce projet. Je remercie particulièrement Mike Sullivan, qui a beaucoup aidé mes collaborateurs à rédiger le texte du projet de loi.

Nous avons appris que seulement trois provinces disposent d’une législation, qu’elle soit complète ou partielle. La législation de la Colombie-Britannique et de l’Alberta nous semble vraiment limitée. L’Ontario s’est déjà dotée d’une législation complète grâce aux efforts de Bob Bailey, qui a fait de l’excellent travail.

L’un des exemples les plus remarquables de loi de ce genre ayant donné de bons résultats est le projet de loi 8, en Ontario, une initiative du député conservateur provincial Bob Bailey, comme je l’ai mentionné. J’ai rencontré Bob Bailey récemment pour lui parler davantage du projet de loi actuel, et il a témoigné devant notre Comité de l’environnement au cours de l’étude de la question. Je tiens à remercier les membres et le président du Comité de l’énergie pour avoir accepté que cette étude ait lieu et pour avoir entrepris, comme première étape, une petite partie de notre étude majeure sur le secteur de l’énergie. Je pense que nous avons entendu 15 témoins. Nous avons produit un excellent rapport qui témoigne du très bon travail que fait notre excellent comité.

Le député provincial Bob Bailey s’est dépensé sans compter pour que son projet aboutisse. Il a indiqué que ce genre de projet de loi aiderait à protéger la sécurité des travailleurs de première ligne, mais qu’il serait également une bonne chose pour le secteur économique concerné. J’estime que le projet de loi faciliterait l’acceptation sociale des projets de construction des pipelines et des autres infrastructures souterraines qui inquiètent les gens parce que les mesures prévues dans le projet de loi réduiraient le danger d’accident lorsqu’on procède à une excavation.

Nous avons appris un certain nombre de choses au cours de l’étude faite par le comité. Premièrement, le gouvernement fédéral ne fait généralement pas partie du régime de sécurité, à l’exception de l’Office national de l’énergie, qui prend lentement des mesures visant un accroissement de la sécurité. Je ne devrais pas dire que les mesures sont prises lentement, en fait. L’Office national de l’énergie se préoccupe beaucoup du dossier et nous a été très utile.

Deuxièmement, pour diverses raisons, certaines provinces ont été incapables d’établir des régimes semblables ou n’ont pas encore décidé de le faire. C’est le cas de la plupart des provinces, en fait. Je pense que c’est davantage attribuable à leurs priorités qu’à autre chose. Cependant, si nous pouvons favoriser la question et attirer l’attention des provinces sur celle-ci avec ce projet de loi, nous pourrons œuvrer à l’échelle nationale et faire en sorte que le dossier ait des chances de monter dans l’échelle des priorités.

Je tiens à signaler que le même genre de division des compétences, fédérales et provinciales, existe dans le cas des États-Unis. C’est un dossier qui est en majeure partie de compétence provinciale. Le dossier comporte un aspect fédéral, dont traite mon projet de loi. Aux États-Unis, qui nous ont aussi servi de modèle pour ce que nous tentons de faire ici, les 50 États du pays participent maintenant à un programme complet qui impose l’obligation de se renseigner avant de creuser.

Il est évident que, puisque la plupart des aspects liés aux infrastructures souterraines sont de compétence provinciale, il est plus difficile pour le gouvernement fédéral d’aller au-delà de la pression morale, d’établir un programme national et de créer des normes nationales. Cependant, il y a certains secteurs — comme l’Office national de l’énergie, les terrains militaires, les chemins de fer et ainsi de suite — qui relèvent de la compétence fédérale et pour lesquels une telle mesure législative est pertinente. Il faut être très prudent dans le cas des bases militaires, et ce, pour des raisons de sécurité nationale. Cela s’applique aussi aux pipelines qui traversent des frontières provinciales, visés par l’Office national de l’énergie, ainsi qu’à d’autres territoires domaniaux, aux chemins de fer et ainsi de suite.

La Loi visant à accroître la sûreté des infrastructures souterraines a plusieurs objectifs. Elle exige, premièrement, que le propriétaire ou l’exploitant de toute infrastructure souterraine relevant de la compétence fédérale ou située sur un territoire domanial inscrive l’infrastructure en question à tous les centres de notification qui desservent la province dans laquelle se situe l’infrastructure, si un tel centre existe — ce qui sera obligatoire; il est très important que cela le soit —, et, deuxièmement, qu’il s’acquitte du paiement de droits d’inscription fixés par le centre de notification ou par la législation provinciale de la province où il se trouve.

La mesure législative exigera que le propriétaire ou l’exploitant de l’infrastructure souterraine qui se trouve sur un territoire domanial fournisse une description de l’infrastructure, ainsi que son emplacement, au centre de notification.

Avant d’effectuer des travaux qui entraînent une perturbation du sol, l’entité qui exécute les travaux doit informer le centre de notification de la province et préciser quelles infrastructures seront vraisemblablement touchées.

Après avoir reçu l’information, le centre de notification — le centre « appelez avant de creuser » — doit, dans un délai raisonnable, veiller à ce que l’emplacement de la zone à creuser soit marqué au sol au moyen des codes de couleurs prévus par règlement. Il existe des codes de couleurs prévus par règlement.

En plus d’exiger que les propriétaires et les exploitants inscrivent leurs infrastructures auprès d’un centre de notification provincial, la mesure législative permettra au ministre de conclure, s’il le souhaite, des accords avec les provinces en matière de financement pour les inciter à mettre sur pied un centre de notification et à mettre en place le système de centre d’appel connexe. Le ministre peut également adopter tout règlement nécessaire à l’application des objectifs et des dispositions de la loi.

Pour finir, le projet de loi modifierait d’autres lois en conséquence pour mettre en œuvre les principes de cette loi.

Bien entendu, les gens s’inquiéteront du coût des centres de notification. En fait, d’un côté, comme je l’ai dit, le fait de ne pas avoir de centre d’appel qui fonctionne adéquatement coûte très cher, parce que des accidents surviennent et certaines personnes n’appellent pas; j’ai donné l’exemple du Québec et de l’Ontario, où les dommages se sont élevés à respectivement 75 millions et 37 millions de dollars en un an. Ces chiffres ne couvrent de toute évidence pas tous les dommages, parce que les gens ne sont pas tenus de les rapporter. Les dommages peuvent être beaucoup plus élevés et le risque est également très élevé.

Il ne s’agit pas des coûts imposés aux personnes qui creusent pour installer des poteaux de clôture. Il ne s’agit pas non plus de coûts imposés aux entrepreneurs qui construisent des bâtiments. Il s’agit plutôt des coûts payés par les propriétaires des infrastructures souterraines. Des frais sont imposés pour chaque appel — parfois, c’est moins de 1 $ l’appel, parfois, c’est un peu plus de 1 $ l’appel. Là où ces frais ont été imposés, on s’est aperçu qu’il s’agissait d’une somme adéquate. En fait, aux États-Unis, le secteur privé est parfois responsable de cette pratique et en tire des profits. Au Canada, la pratique sera à but non lucratif — en tout cas, c’est ce que nous proposons. Là où elle a été mise en œuvre au pays, cette pratique n’a jamais servi jusqu’ici à faire des profits.

En vertu du projet de loi S-233, les propriétaires ou les exploitants d’une infrastructure souterraine relevant de la compétence fédérale devront communiquer avec les autorités avant de creuser, soit par téléphone, soit en ligne. Nous espérons que le projet de loi stimulera un plus grand intérêt à l’égard de cette question dans les neuf autres provinces et les trois territoires — cette question est moins importante dans les territoires, compte tenu de leur situation géographique, mais elle l’est certainement dans les neuf provinces qui ne disposent pas d’une loi complète à cet égard. On pourra ainsi obliger les propriétaires d’infrastructures souterraines à les inscrire à un centre de notification et imposer des sanctions aux personnes qui ne communiquent pas avec ce centre par téléphone ou en ligne avant de creuser.

De cette façon, nous pourrons inciter l’industrie de la construction et les particuliers à travailler ensemble partout au pays en vue d’élaborer des pratiques exemplaires en matière d’excavation, afin d’améliorer la sécurité de nos infrastructures souterraines et de convaincre les Canadiens que ces opérations peuvent se dérouler en toute sécurité. Il s’agit d’un projet de loi innovateur, en vertu duquel le gouvernement fédéral pourra vraiment améliorer les choses en faisant preuve de leadership. Je vous remercie.

 

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