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Discours sur la protection des droits des personnes LGBTI (Assemblée parlementaire de la Francophonie)

Discours sur la protection des droits des personnes LGBTI (Assemblée parlementaire de la Francophonie)

Discours sur la protection des droits des personnes LGBTI (Assemblée parlementaire de la Francophonie)

Monsieur le Président,
Chers collègues parlementaires,

En tant que rapporteur de la section canadienne à la Commission politique, je m’adresse à vous, aujourd’hui, afin de vous présenter la première ébauche de mon projet de rapport sur les droits des personnes LGBTI, soit les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres et intersexuées.

Je tiens à spécifier que plusieurs sigles, dont LGBT, LGBTA, LGBTQ et LGBTQ2, sont utilisés pour désigner des groupes semblables. Néanmoins dans mon allocution et dans mon projet de rapport, j’utilise le sigle LGBTI. Il s’agit de celui qui est d’ailleurs utilisé par l’Expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle des Nations Unies.

Mon projet fait d’abord un survol des instruments internationaux en matière de droits de la personne et fait une brève description des évènements marquants sur la scène internationale concernant la protection des droits des personnes LGBTI. Puis, il aborde les obligations qui incombent aux États en la matière.

Avant tout, je souhaite faire un retour en arrière afin de vous souligner certains évènements marquants sur la scène internationale.

En décembre 1948, l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (ONU) a adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme (Déclaration universelle) qui est considérée comme « l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations ». On y retrouve des principes fondamentaux en matière de droits de la personne, dont l’universalité des droits, l’égalité et la non-discrimination.

Or, il existe plusieurs cas de violation de droits de la personne qui ont marqué l’histoire sur la scène internationale.

Dès 1961, des débats ont eu lieu à l’ONU au sujet de la discrimination raciale. Effectivement, la communauté internationale était témoin de « manifestations d’antisémitisme et d’autres formes de préjugés raciaux et d’intolérance religieuse ».

Afin de protéger tous les hommes et toutes les femmes de la discrimination raciale, l’ONU a adopté en 1965 la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Même si cette lutte n’est pas terminée, il est reconnu que toute discrimination fondée sur des motifs raciaux est une violation des droits de la personne.

Ensuite, plusieurs évènements concernant les droits des femmes ont également marqué l’histoire. Effectivement, au moment de la création de l’ONU en 1945, près de la moitié des 51 États qui ont ratifié la Charte des Nations Unies n’accordait pas le droit de vote aux femmes ou leur accordait un droit de vote restreint.

Au fil des années, il a été constaté que la Déclaration universelle et les autres instruments internationaux en matière de droits de la personne n’étaient pas efficaces dans la protection des droits des femmes. De plus, les pays sont devenus de plus en plus conscients de la discrimination endémique envers les femmes. À la suite d’un long combat pour la protection de leurs droits, l’ONU a adopté en 1979 la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

La communauté internationale a ainsi reconnu les multiples violations des droits des femmes et est intervenue pour les protéger. Bien que cette lutte se poursuive toujours, il est reconnu que les femmes et les hommes sont égaux et que la discrimination basée sur le sexe est une violation des droits de la personne.

Bien qu’il existe plusieurs autres exemples, la discrimination raciale et la discrimination envers les femmes constituent des questions de violations des droits de la personne dont s’est saisie la communauté internationale. Des débats, parfois controversés, ont eu lieu sur la scène internationale et des consensus ont été recherchés afin de protéger les droits des groupes vulnérables.

Aujourd’hui, dans le monde, alors qu’il y a reconnaissance que les droits de la personne sont inhérents à tous les êtres humains, les personnes LGBTI font l’objet de violence et de discrimination et se font nier certains droits en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.

Il est important que la communauté internationale se mobilise devant ces violations des droits de la personne. Effectivement, mon projet de rapport s’inscrit dans le cours normal des choses. Au même titre que la protection des droits des femmes ou de la mobilisation contre la discrimination raciale, il est de notre responsabilité, en tant que parlementaires, de prendre des actions afin de protéger les droits des personnes LGBTI.

À vrai dire, le droit international des droits de la personne établit des obligations claires qui incombent aux États concernant la préservation de tels droits. Il est établi de manière non équivoque que, tous les individus, peu importe leur orientation sexuelle, leur identité de genre ou leur sexe, ils ont droit aux protections érigées dans le droit international des droits de la personne.

Comme énoncé par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme (le Haut-Commissariat), les droits des personnes LGBTI ne sont pas des droits nouveaux. Comme pour les revendications des femmes et des personnes discriminées en vertu de leur race, leur couleur, leur ascendance ou leur origine nationale ou ethnique, les revendications des personnes LGBTI se basent sur des protections qui existent déjà dans le droit international des droits de la personne.

Depuis plusieurs années, plusieurs organisations internationales ont dénoncé la violence et la discrimination envers les personnes LGBTI et plusieurs rapports ont été écrits à ce sujet appelant les pays à mettre fin à la violence et à la discrimination à l’égard des personnes LGBTI. Malgré tout, à travers le monde, les violations des droits des personnes LGBTI persistent.

Le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les droits de l’homme a identifié cinq obligations que doivent remplir les États pour la protection des droits des personnes LGBTI.

Premièrement, les États doivent protéger le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, indépendamment de son orientation sexuelle ou de son identité de genre.

Effectivement, les personnes LGBTI font l’objet de plusieurs formes de violence, comme le meurtre, la violence physique, l’agression sexuelle, la privation arbitraire de liberté et la menace. De même, cette violence n’est souvent pas dénoncée en raison de la peur de représailles et rares sont les États qui ont mis en place des mécanismes permettant la surveillance, l’enregistrement et le signalement de ce type de violence. Ainsi, afin de remplir leurs obligations, le Haut-Commissariat recommande, entre autres, aux États :

• d’inclure « l’orientation sexuelle et l’identité de genre comme des caractéristiques protégées de la législation contre les crimes haineux »;

• de « mettre en place des systèmes efficaces pour enregistrer et rendre compte des actes de violence motivés par la haine »;

• de « garantir les enquêtes et les poursuites effectives contre les auteurs de ces actes et la réparation pour les victimes de cette violence ».

Deuxièmement, les États ont l’obligation de prévenir la torture et autre traitement cruels, inhumains ou dégradants pratiqués en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre d’une personne. Il a été démontré que les personnes LGBTI font l’objet de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants dans certaines régions du monde, notamment de la part de la police, les gardiens de prison ou d’autres agents des forces de l’ordre.

Afin de respecter leurs obligations internationales, le Haut-Commissariat recommande, entre autres, aux États d’ « empêcher la torture et le traitement cruel, inhumain et dégradant des LGBT en détention, en interdisant et en punissant de tels actes et en veillant à ce que les victimes obtiennent réparation » et d’« enquêter sur tous les actes de maltraitance par les agents de l’État et traduire les responsables devant la justice ».

Troisièmement, les États ont l’obligation de protéger le droit au respect de la vie privée et le droit de ne pas faire l’objet d’une détention arbitraire sur la base de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre. Les lois qui sanctionnent de manière pénale les individus sur la base de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre violent ces droits.

En 1994, le Comité des droits de l’homme a rendu sa décision dans l’affaire Toonen c. Australie dans laquelle il a statué que le droit de ne pas faire l’objet « d’immixtions arbitraires ou illégales » dans la vie privée garantie par l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques protège incontestablement la sexualité consentante en privé. Néanmoins, dans quelque 70 pays, dont des pays de la Francophonie, la loi criminalise les relations sexuelles consenties entre personnes adultes de même sexe. De même, dans plusieurs régions du monde, les relations sexuelles entre personnes de même sexe peuvent être punies par la peine de mort.

Afin de respecter leurs obligations internationales, le Haut-Commissariat recommande entre autres aux États d’ « abroger les lois faisant de l’homosexualité un crime, notamment toutes les lois qui interdisent un comportement sexuel en privé entre des adultes consentants du même sexe ».

Quatrièmement, les États ont l’obligation de protéger les personnes contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Or, les personnes LGBTI font l’objet de discrimination dans plusieurs sphères de la vie, tel que dans les domaines de l’éducation, du travail et de la santé. En ce sens, le Haut-Commissariat recommande, entre autres, aux États de « promulguer des lois exhaustives qui prévoient l’orientation sexuelle et l’identité de genre en tant que motifs qu’il est interdit d’invoquer pour justifier la discrimination » et de « garantir l’accès non discriminatoire aux services de base, notamment dans le contexte de l’emploi et des soins de santé ».

Cinquièmement, les États ont l’obligation de protéger le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion de manière non discriminatoire. Malgré tout, dans plusieurs pays, les droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association des personnes LGBTI et des défenseurs des droits de la personne sont niés ou limités. Le Haut-Commissariat recommande, entre autres, aux États de « s’abstenir de s’immiscer directement dans l’exercice de ces droits » et de « réviser et abroger les dispositions discriminatoires en droit national qui ont des effets démesurés sur l’exercice de ces droits ».

Je tiens à souligner que, dans les dernières années, plusieurs États ont pris des mesures visant la protection des personnes LGBTI. Par exemple, certains ont dépénalisé les relations entre personnes de même sexe et ont adopté des mesures législatives interdisant la discrimination contre les personnes LGBTI.

Néanmoins, partout dans le monde, il reste beaucoup de chemin à faire en ce sens et nous devons tous faire mieux.

D’ailleurs, dans le passé, le Canada a joué un rôle « dans l’oppression, la criminalisation et la violence systémique à l’endroit » des personnes LGBTI. Notre premier ministre a prononcé des excuses aux personnes LGBTI au nom du gouvernement du Canada en novembre 2017.

La protection des droits des personnes LGBTI concerne tous les pays. En tant que parlementaires, nous devons nous mobiliser afin de lutter contre les violations des droits des personnes LGBTI. Ce projet de rapport est un premier pas en ce sens.

Je sollicite donc l’avis des autres sections afin d’obtenir vos commentaires sur ce projet de rapport.

Merci.