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Projet de loi sur la non-discrimination génétique—Deuxième rapport du Comité des droits de la personne

Projet de loi sur la non-discrimination génétique—Deuxième rapport du Comité des droits de la personne

Projet de loi sur la non-discrimination génétique—Deuxième rapport du Comité des droits de la personne


Publié le 22 mars 2016
Hansard et déclarations par l’hon. James Cowan

L’honorable James S. Cowan (leader des libéraux au Sénat) :

Honorables sénateurs, c’est un plaisir pour moi de prendre la parole à l’étape du rapport du projet de loi S-201, Loi visant à interdire et à prévenir la discrimination génétique.

Je remercie le sénateur Munson, président de notre Comité permanent des droits de la personne, pour son explication des amendements apportés au comité. À son invitation, je vais donner un peu plus de détails à ce sujet dans le cadre de mes observations. Je me propose d’axer mes propos sur les amendements ainsi que sur les observations jointes au rapport du comité. Je parlerai de l’ensemble du projet de loi à l’étape de la troisième lecture qui, je l’espère, viendra peu après l’interruption de Pâques.

Je vais commencer par donner un bref aperçu du projet de loi S- 201, qui a été conçu pour combler une lacune de notre législation. Au Canada, contrairement à ce qu’il en est dans la plupart des autres pays occidentaux, lorsqu’une personne se soumet à un test génétique, aucune disposition législative ne la protège si une tierce partie exige d’avoir accès aux résultats et de les utiliser, souvent au détriment de la personne, ce qui donne lieu à ce qu’on appelle la discrimination génétique. Ainsi, de nombreux Canadiens décident à contrecœur de ne pas se soumettre à des tests génétiques qui, de l’avis de leur médecin, les aideraient à préserver leur santé ou celle de leurs enfants. J’ai proposé le projet de loi S-201 pour remédier à cette situation.

Je l’ai fait pour la première fois en avril 2013, puis j’ai recommencé en octobre 2013. Le projet de loi est mort au Feuilleton lors du déclenchement des élections fédérales l’été dernier. Dès le retour du nouveau Parlement, en décembre dernier, je l’ai déposé de nouveau après y avoir apporté quelques modifications.

Avant de vous parler de ces modifications ou des amendements adoptés par le comité, je voudrais vous dire à quel point j’ai été heureux de l’accueil réservé au projet de loi par les honorables sénateurs membres du comité, indépendamment de leur affiliation politique. La sénatrice Frum, porte-parole de l’opposition relativement au projet de loi, a dit à plusieurs reprises, tant en privé qu’en public, qu’elle appuyait pleinement le principe du projet de loi S-201. Je sais qu’elle continue d’avoir certaines préoccupations — j’y reviendrai dans quelques instants —, mais j’ai beaucoup apprécié le fait qu’elle a toujours exprimé ses préoccupations tout en rappelant son appui de principe à cette mesure législative.

Je veux également souligner l’esprit collégial qui a présidé aux audiences consacrées au projet de loi, surtout à l’étape de l’étude article par article. Tous les amendements que vous avez devant vous sont ceux que j’ai proposés moi-même à cette étape. Ils reflètent les témoignages présentés au comité. Je crois que chacune des motions d’amendement que j’ai proposées a été appuyée par la sénatrice Frum. Je suis fier de cet appui des deux partis au projet de loi ainsi qu’à tous les amendements. J’ai dit, dès le commencement, qu’il ne s’agissait pas à mon avis d’une question partisane. La façon dont nous avons traité cette mesure montre bien que j’avais raison.

J’ai également dit dès le commencement que j’étais ouvert à toute suggestion visant à améliorer le projet de loi. Je crois que les amendements que je vais maintenant vous décrire établiront aussi que j’avais dit vrai.

Comme je l’ai mentionné il y a quelques minutes, le projet de loi que j’ai déposé le 8 décembre 2015 comportait certaines modifications par rapport à la version précédente. La plupart découlaient des témoignages entendus au cours des audiences tenues au sujet du projet de loi précédent ou de propositions avancées par l’ancien gouvernement relativement aux moyens possibles de combattre la discrimination génétique. Toutefois, lorsque le commissaire à la protection de la vie privée et la Commission canadienne des droits de la personne ont comparu devant notre Comité des droits de la personne, ils ont signalé des problèmes liés à certains aspects des changements que j’avais faits pour améliorer le projet de loi. Les amendements adoptés par notre comité reflètent le point de vue de ces deux organismes.

Le premier amendement touche l’article 5. Les versions précédentes du projet de loi interdisaient aux fournisseurs de services d’obliger une personne à subir un test génétique ou à communiquer les résultats d’un tel test comme condition préalable pour fournir des biens ou des services. C’est là une paraphrase des interdictions, mais je crois qu’elle est assez fidèle.

On a attiré mon attention sur le fait que le projet de loi devrait également interdire aux fournisseurs de services de recueillir ou d’utiliser les résultats des tests génétiques d’une personne sans son consentement écrit. Cela est particulièrement important dans le monde des médias sociaux, où beaucoup de renseignements, y compris les résultats de tests génétiques, sont stockés sous forme électronique, par exemple « dans le nuage ». J’ai donc inclus l’interdiction de recueillir et d’utiliser les résultats des tests génétiques d’une personne dans le nouvel article 5 du projet de loi.

Cette disposition a été bien accueillie. Plus particulièrement, le commissaire à la protection de la vie privée a mis en évidence cet article, en disant que l’ajout était très utile. Il a cependant proposé d’ajouter « communiquer » après « de recueillir ou d’utiliser ». À son avis, cela « permettrait aux gens d’exercer un plus grand contrôle sur leurs renseignements personnels et serait conforme à nos lois sur la protection de la vie privée ». Il a ajouté :

Avec cet ajout, nous sommes d’avis que les articles 3, 4, et 5 représentent un bon équilibre en respectant à la fois ceux qui désirent partager leurs résultats de tests génétiques et ceux qui ne préfèrent pas le faire.

Bien entendu, j’ai énormément de respect pour le commissaire à la protection de la vie privée. Le commissariat a fait de l’excellent travail dans le domaine de la discrimination génétique et de la protection des renseignements à cet égard. Estimant que sa proposition améliorait le projet de loi, j’ai déposé un amendement de l’article 5, qui a été appuyé par la sénatrice Frum et adopté par le comité.

L’amendement suivant touche l’article 10 du projet de loi. C’est la partie du S-201 destinée à modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d’ajouter les « caractéristiques génétiques » à la liste des motifs de distinction illicite. L’année dernière, lors de nos audiences précédentes, certains témoins ont dit que l’expression nécessitait une définition la liant aux tests génétiques. C’est pour cette raison que le projet de loi que j’ai déposé en décembre comprenait une définition du terme « caractéristiques génétiques ».

La Commission canadienne des droits de la personne a rejeté cette approche, soutenant que « les définitions peuvent limiter l’interprétation et l’évolution des motifs et risquent de ne pas protéger suffisamment les individus en vertu de la législation sur les droits de la personne ». Elle préférait que l’article ajouté soit simplement supprimé. En fin de compte, nous avons réussi, en travaillant en étroite collaboration avec notre excellente équipe de rédaction législative du Bureau du légiste, à trouver un libellé qui répondait aux préoccupations de la commission et satisfaisait tous les membres du comité. C’est le deuxième amendement adopté par le comité.

Les trois derniers amendements prévoient la suppression de dispositions destinées à modifier la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, souvent désignée par son sigle, LPRPDE. Mes collègues se souviendront peut-être que mon projet de loi initial ne comprenait pas ces dispositions. Toutefois, en juin dernier, l’ancien gouvernement avait déposé le projet de loi C-68, qui était destiné à combattre la discrimination génétique. Les dispositions en question y figuraient.

Comme je l’ai dit lorsque j’ai participé au débat de deuxième lecture sur le projet de loi S-201, je n’étais pas convaincu que ces mesures offraient aux Canadiens ce dont ils avaient besoin pour être protégés contre la discrimination génétique, mais l’ancien gouvernement croyait qu’elles seraient utiles. Je m’étais donc incliné. C’est pour cette raison que j’ai inclus ces articles dans le projet de loi que j’ai déposé le 15 décembre 2015. Toutefois, lorsque le commissaire à la protection de la vie privée a témoigné au comité, il a recommandé de supprimer ces articles. Pour lui, l’ajout de ces dispositions « est inutile et peut-être même nuisible » et « ne ferait qu’ajouter à la confusion ».

Dans ces conditions, j’ai proposé que les articles soient supprimés, ce que le comité a accepté.

Ce sont là les amendements que le comité a adoptés à l’unanimité. Je crois que chacun d’eux améliore le projet de loi. Je suis donc reconnaissant aux témoins de les avoir proposés.

Cela m’amène aux brèves observations que le comité a ajoutées à son rapport. Chers collègues, comme je l’ai mentionné, même si les membres du comité ont appuyé à l’unanimité le principe du projet de loi S-201, quelques membres craignaient que certains aspects outrepassent les compétences législatives fédérales ou empiètent sur des questions relevant des provinces.

Je veux vous dire très ouvertement que le secteur de l’assurance s’oppose fortement au projet de loi. Il a retenu les services du cabinet Torys qui lui a fourni un avis juridique — curieusement, il s’agit d’un avis non signé — appuyant sa position selon laquelle une mesure législative destinée à combattre la discrimination génétique relève de la compétence des provinces et non du pouvoir fédéral.

Par ailleurs, le comité a entendu deux professeurs indépendants de droit constitutionnel, M. Bruce Ryder, qui enseigne à l’Osgoode Hall à Toronto, et M. Pierre Thibault, qui enseigne à la faculté de droit de l’Université d’Ottawa. Les deux ont déclaré sans équivoque que, à leur avis, le projet de loi relevait clairement de la compétence législative fédérale.

De plus, notre propre légiste a émis l’année dernière, à l’intention de la sénatrice Nancy Ruth, un avis selon lequel le projet de loi s’inscrit dans le cadre du pouvoir fédéral en matière de droit pénal.

Enfin — et je crois que cela est important, chers collègues, —, toutes les provinces et tous les territoires ont été consultés à deux reprises au sujet du projet de loi. J’ai écrit à l’ensemble des provinces et territoires en décembre et en janvier. Ensuite, le greffier du comité leur a envoyé des messages distincts pour solliciter leur point de vue sur le projet de loi S-201. Nous n’avons reçu aucune réponse mettant en doute la constitutionnalité de cette mesure.

Je suis persuadé que, en cas de contestation, le projet de loi serait maintenu en tant qu’exercice valide du pouvoir fédéral en matière de droit pénal. Toutefois, je peux comprendre que certains collègues veuillent faire état de cette question. C’est l’objet des observations jointes au rapport.

Ces observations exhortent les représentants du gouvernement du Canada à s’entretenir avec leurs homologues provinciaux et territoriaux des mesures à prendre relativement à la discrimination génétique dans leurs administrations respectives. Je suis en faveur d’une telle démarche. Le projet de loi recourrait au pouvoir fédéral en matière de droit pénal pour interdire certaines activités, mais il serait évidemment loisible aux gouvernements provinciaux et territoriaux de réglementer des secteurs particuliers, comme les sociétés d’assurances et les employeurs, au-delà des interdictions énoncées dans le projet de loi S-201. Je crois que ce serait là une excellente démonstration de fédéralisme coopératif, et que les Canadiens en bénéficieraient.

En conclusion, j’appuie de tout cœur le rapport de notre Comité des droits de la personne sur le projet de loi S-201. Je voudrais remercier encore une fois tous les membres du comité pour les efforts qu’ils ont consacrés à l’étude du projet de loi et tous ceux qui ont pris le temps de venir témoigner ou d’envoyer des mémoires écrits. Je crois que le projet de loi a été sensiblement amélioré grâce au travail du comité.

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