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Troisième lecture du projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes à d’autres lois, tel que modifié

Troisième lecture du projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes à d’autres lois, tel que modifié

Troisième lecture du projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes à d’autres lois, tel que modifié

Troisième lecture du projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes à d’autres lois, tel que modifié


Publié le 4 mai 2017
Hansard et déclarations par l’hon. Mobina Jaffer

L’honorable Mobina S. B. Jaffer :

Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler du projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes à d’autres lois, tel que modifié.

Honorables sénateurs, vous m’avez souvent entendu aborder ce sujet, mais je souhaite prendre le temps de remercier le gouvernement d’avoir présenté ce projet de loi.

Comme je l’ai dit à maintes reprises, lorsque je retourne à la maison à 23 heures, il y a beaucoup d’ambulances dans les rues. Sur la rue Hastings Est, je vois plusieurs camions de pompier et de voitures de police. Je n’en ai jamais vu autant dans toutes mes années à North Vancouver.

L’autre jour, j’ai eu envie de demander : « Qu’est-ce que cela signifie? » Il ne s’agit pas seulement des rues pleines d’ambulances. Il y a des gens qui tombent. J’ai une parente qui est tombée dans la rue, il y a quelques semaines. Elle est restée assise par terre pendant 12 heures parce qu’il n’y avait pas d’ambulance pour l’emmener à l’hôpital. Comme elle n’était pas mourante, elle n’avait pas la priorité. Voilà comment la situation se répercute sur la communauté. J’apprécie donc beaucoup l’initiative que le gouvernement a prise en nous saisissant de ce projet de loi.

Avant d’aborder le fond de cette mesure législative, je voudrais vous raconter l’histoire d’un jeune homme de Vancouver que les opioïdes ont tué. Son histoire montre simplement à quel point le fentanyl et les autres opioïdes peuvent être mortels.

La veille du jour où il est mort, Dylan, étudiant de 21 ans, était allé manger avec son père dans un restaurant indien pour célébrer la fin de ses études à l’Université Capilano.

Sa mère a dit de lui qu’il était « en bonne voie d’être guéri » du problème de toxicomanie dont il avait souffert par le passé et qu’il voyait régulièrement un psychologue afin de se libérer complètement de la drogue.

Tout a changé quand il a acheté une seule pilule d’un dealer après sa sortie. Sa mère a décrit ce qu’elle a vu lorsqu’elle est arrivée chez elle le lendemain :

L’appartement était plein de policiers. Ils m’ont empêchée de le voir. J’ai attendu quatre heures l’arrivée du coroner. Je voulais simplement le recouvrir d’un drap. Je voulais seulement le tenir dans mes bras.

C’est la dernière fois que j’ai pu embrasser mon Dylan. Il était dans une housse mortuaire.

Le projet de loi C-37 a pour objectif d’éviter ce type de tragédie. Des situations comme celle de Dylan se déroulent tous les jours dans ma province de la Colombie-Britannique. Le 27 avril dernier, la Colombie-Britannique a atteint un nouveau record. En une seule journée, les services de soins d’urgence ont répondu à 130 appels pour surdose, un terrible record. Comme le sénateur Campbell nous en a fait part hier, il y a eu aussi 120 décès, en mars, en Colombie- Britannique. Cela équivaut à environ quatre décès par jour en un seul mois.

Chaque fois que je retourne à Vancouver, je vois de mes propres yeux les dommages que cause cette crise. Je vois des ambulances partout dans la ville, surtout rue Hastings Est. La rue Hastings était le cœur du centre-ville de Vancouver, un endroit pour les commerçants, les restaurants et les hôtels. À cause des dommages engendrés par les drogues, il est devenu le quartier le plus troublé de la ville. Nous ne pouvons pas permettre que cette situation persiste. Je crois fortement que le projet de loi C-37 est la réponse à cette crise.

Au lieu de s’attaquer à l’un des éléments de la crise, le projet de loi C-37 adopte une approche globale face au problème. Il fixe plusieurs objectifs axés sur la réduction des méfaits.

Le premier consiste à combattre le trafic, l’importation et la production de substances désignées. Autrement dit, le projet de loi C-37 ciblera ce qu’on appelle les précurseurs du fentanyl et d’autres opioïdes, c’est-à-dire les produits utilisés pour les fabriquer. Il recourt à trois moyens pour atteindre cet objectif.

Le premier est l’expansion de l’article 7.1 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, qui traite des infractions de possession, production, vente ou importation de toute chose dont on sait qu’elle servira à la production ou au trafic de méthamphétamine.

En vertu du projet de loi C-37, cette infraction s’appliquera maintenant à toute chose devant servir à la production ou au trafic d’une substance désignée. Cela comprend les presses à comprimés que les criminels importent au Canada pour fabriquer clandestinement du fentanyl. Cela comprend aussi les substances utilisées pour produire des drogues et des opioïdes. Il n’est pas exagéré de dire que ces précurseurs sont au cœur de la crise des opioïdes.

Au Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le surintendant principal intérimaire de la GRC Andris Zarins nous a dit que la quasi-totalité des groupes faisant partie du crime organisé au Canada sont impliqués dans un ou plusieurs aspects du trafic illicite des précurseurs. Tant que le crime organisé pourra expédier ces précurseurs n’importe où au Canada, la crise persistera et nos collectivités ne seront jamais débarrassées de ces opioïdes. En s’attaquant à cet aspect du trafic de la drogue, le projet de loi C-37 bloquera la production de fentanyl et d’autres opioïdes.

Le deuxième moyen consiste à abroger les dispositions de la Loi sur les douanes qui empêchent les agents des services frontaliers d’ouvrir les envois postaux de 30 grammes ou moins.

Le fentanyl est beaucoup plus puissant que les drogues que nous avons vues jusqu’ici : par exemple, il est 100 fois plus puissant que l’héroïne. Quelques milligrammes de fentanyl suffisent pour tuer quelqu’un. Avec 30 grammes de cette substance, on pourrait tuer quelque 15 000 personnes. Grâce aux changements proposés, les agents de l’ASFC pourront agir contre cette nouvelle menace difficile à détecter.

Le dernier moyen prévu dans le projet de loi pour lutter contre les précurseurs se fonde sur le fait que la menace de la drogue évolue sans cesse. Compte tenu de cette réalité, le projet de loi C-37 permet au ministre d’ajouter temporairement des substances à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

Sans cette mesure, nos responsables n’arriveraient jamais à combattre les nouveaux moyens que les criminels mettent en œuvre au Canada pour éviter d’être découverts. Le surintendant intérimaire Zarins a bien souligné l’importance de cette disposition lorsqu’il a dit ce qui suit :

Les groupes hautement perfectionnés et ceux qui facilitent le crime exploitent les efforts de lutte contre les drogues au Canada en produisant et en vendant de nouvelles substances qui ne sont pas encore mentionnées dans nos lois et qui, par le fait même, ne sont pas illégales. Par exemple, pour contourner les lois antidrogue actuelles, certains groupes apportent de légères modifications à la structure chimique d’une substance contrôlée pour être en mesure de la produire et d’en faire le trafic en relative impunité.

Si notre système n’arrive pas à devenir plus flexible et à réagir à l’arrivée de ces nouvelles drogues, nous nous retrouverons simplement avec une nouvelle crise lorsque les criminels se seront adaptés.

Nous devons être en mesure de réagir à l’évolution des drogues, sinon les criminels continueront d’exploiter notre système.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, ce projet de loi est important, car il part du principe que la crise des opioïdes ne peut être entièrement réglée par une seule solution. Il prévoit donc de multiples stratégies.

En plus de s’attaquer aux précurseurs, le projet de loi facilite l’établissement de centres d’injection supervisée — l’une des ressources les plus précieuses dans notre lutte contre les opioïdes.

Selon la ministre de la Santé, Mme Philpott :

De nombreuses villes et collectivités canadiennes souhaitent désespérément avoir la possibilité d’ouvrir un site de consommation supervisée.

Elle poursuit ainsi :

Tout semble indiquer que ces sites, lorsqu’ils sont mis en place et entretenus de façon adéquate, permettent de sauver des vies sans accroître la consommation de drogues et la criminalité dans le voisinage.

Avec la crise qui se poursuit, ces centres représentent une des meilleures façons dont on dispose pour sauver des vies.

Le Dr Perry Kendall, directeur de la santé publique de la Colombie-Britannique, a résumé l’importance de ces centres lorsqu’il a dit ce qui suit :

Cela me fait de la peine de penser que si les conditions du projet de loi C-37 avaient été en place il y a plusieurs années, la Colombie-Britannique aurait plus de sites de consommation et elle aurait été mieux préparée à réagir à cette crise.

Il poursuit en disant ceci :

Les sites de consommation supervisée sauvent des vies, ils préviennent la propagation de maladies transmissibles, ils répriment les troubles à l’ordre public, et, plus important encore, ils introduisent des soins et ils dirigent les personnes atteintes de troubles liés à la toxicomanie et à la santé mentale vers des services de soins de santé communautaires.

Malheureusement, il a été extrêmement difficile pour nombre de ces centres d’injection supervisée d’obtenir l’approbation nécessaire pour mener leurs activités.

Honorables sénateurs, actuellement, la loi impose 26 exigences différentes à ces centres avant qu’ils puissent commencer à aider les gens de nos collectivités.

Le processus utilisé actuellement par le gouvernement pour vérifier si ces centres peuvent mener leurs activités peut prendre jusqu’à 21 mois.

En vertu du projet de loi C-37, ce processus serait grandement simplifié. Au lieu de 26 exigences distinctes, les centres n’en auraient que 5 à satisfaire. De plus, le projet de loi rend beaucoup plus simple le processus de demande, il est ainsi plus facile pour les cliniques de devenir des centres d’injection supervisée.

Ces changements permettront de commencer à sauver des vies aussitôt que possible.

Avant de conclure, j’aimerais vous faire part d’une dernière histoire troublante, celle d’une mère, Petra Schulz, qui habite dans ma province et qui m’a raconté la mort de son fils Danny. Elle a dit ce qui suit :

Danny avait 25 ans; il ne consommait plus de drogues depuis un an, mais un jour je suis entrée dans la salle de bain et j’ai trouvé son corps par terre. Nous avons composé le 911, mais il était trop tard. Selon les experts, Danny a dissous un seul comprimé de fentanyl dans de l’eau et l’a consommé la nuit suivante, après être rentré du travail. La perte d’un enfant est la pire des choses qui puisse arriver à un parent. Il y a beaucoup, beaucoup de parents qui souffrent en silence.

Honorables sénateurs, tant de parents souffrent parce qu’ils ont perdu leur enfant en raison de cette crise. Il est donc grand temps que nous nous unissions et que nous appuyions le projet de loi C-37.

Le projet de loi tient compte de deux réalités. En premier lieu, il reconnaît qu’il n’y aura jamais de fin à cette crise tant que les opioïdes réussiront à entrer au Canada. C’est la raison pour laquelle il prévoit de nombreuses mesures ciblant les précurseurs du fentanyl.

En second lieu, le projet de loi reconnaît que la menace du fentanyl est déjà bien présente au Canada et provoque des ravages incommensurables chez les gens, particulièrement chez les enfants. Pour remédier à cette situation, il favorise la mise en place de centres de consommation supervisée dans l’ensemble du pays.

Voilà pourquoi j’appuie le projet de loi C-37. Il repose sur le principe qu’il n’y a pas de solution magique pour complètement résoudre la crise des opioïdes. Par conséquent, nous devons aborder ce problème sous tous les angles possibles afin de le régler réellement.

Chaque jour qui passe sans que nous adoptions le projet de loi se traduit par quatre personnes supplémentaires qui auront perdu la vie dans ma province, la Colombie-Britannique. Honorables sénateurs, je demande que le Sénat adopte ce projet de loi le plus vite possible afin que ces quatre personnes par jour reçoivent de l’aide, que leur famille reçoive de l’aide et que nous mettions un terme à cette crise. Merci beaucoup.

 

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