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Motion tendant à constituer un comité spécial sur l’Arctique

Motion tendant à constituer un comité spécial sur l’Arctique

Motion tendant à constituer un comité spécial sur l’Arctique

Motion tendant à constituer un comité spécial sur l’Arctique


Publié le 4 mai 2017
Hansard et déclarations par l’hon. Charlie Watt

L’honorable Charlie Watt :

Honorables sénateurs, je ne vous retiendrai pas très longtemps. Je sais l’heure qu’il est. Merci, malgré tout, de me donner l’occasion de m’adresser à notre assemblée.

[Note de la rédaction : le sénateur Watt s’exprime en inuktitut.]

Honorables sénateurs, c’est un plaisir pour moi de vous parler aujourd’hui de la motion tendant à constituer un comité spécial sur l’Arctique, car je suis impatient de pouvoir aborder les difficultés que doivent surmonter les habitants du Nord qui vivent en Arctique. Je sais que je pourrai compter sur l’appui de mes collègues.

Le Canada a besoin d’une politique étoffée sur l’Arctique qui ferait passer les besoins des habitants du Nord avant tout le reste.

Un éventuel comité spécial sur l’Arctique nous permettrait d’étudier toute une série d’enjeux qui auraient dû l’être depuis longtemps. Nous prévoyons commencer avec quelques petites études concernant le moratoire sur l’exploitation pétrolière et gazière, les infrastructures et la conservation des ressources avant de passer aux études plus importantes concernant la souveraineté dans l’Arctique.

En décembre 2016, le président Obama et le premier ministre Trudeau ont lancé divers projets dans la Déclaration commune des dirigeants du Canada et des États-Unis sur l’Arctique, et notre comité occupera une place stratégique lui permettant d’évaluer ces projets, qui ont trait à l’économie et aux écosystèmes de l’Arctique, au transport de marchandises, à la gestion scientifique des ressources marines et aux risques associés à l’exploitation des gisements de pétrole et de gaz en mer.

Comme je suis le seul sénateur inuit, je dois accomplir un travail multidimensionnel qui concerne les Inuits au Canada ainsi que le reste du monde circumpolaire. Les enjeux sont complexes et nécessitent l’apport de mes collègues de même qu’une coopération qui transcende les partis politiques. Les ressources rattachées à mon bureau de sénateur ne suffiraient pas à la tâche. Je dois m’en remettre à la bonne volonté de mes collègues pour que les dossiers puissent avancer. Je vous remercie pour votre générosité.

Comme je viens de l’indiquer, mon travail au Sénat est axé sur l’Arctique et sur les Inuits. Par exemple, nous essayons de cartographier les sentiers inuits traditionnels, ce qui génère des données utiles pour la recherche et le sauvetage et pour démontrer l’utilisation et l’occupation d’un territoire immense et inhospitalier au cours de l’histoire.

Nous devons, en outre, tenir compte des nouvelles difficultés qu’apportent les changements climatiques aux habitants de l’Arctique. Depuis des milliers d’années, les Inuits sont les fiduciaires des cours d’eau, de la terre et de la mer sur leur territoire. Nous avons géré le territoire du mieux que nous pouvions avec des ressources limitées, et on le décrit souvent comme l’un des derniers endroits sur terre où la nature est encore à l’état virginal.

Aujourd’hui, nous devons affronter des difficultés incroyables à cause des changements climatiques. La banquise fond à un rythme alarmant. Les Inuits ont de la difficulté à s’adapter à la disparition de la glace en mer, car c’est cette glace qui détermine où nous pouvons chasser et pêcher. La disparition de la glace a également une incidence sur la faune qui nous est vitale pour assurer notre mode de vie et alimenter notre économie. Nos chasseurs observent des changements dans la migration et le comportement des phoques, des baleines, des ours polaires et de beaucoup d’autres espèces sauvages.

Compte tenu de la fonte des glaces, il y a un intérêt accru dans l’Arctique pour le transport maritime et les pêches commerciales, ainsi qu’un intérêt commercial pour le fond marin et ses vastes gisements de pétrole et de gaz. Les Inuits sont très préoccupés par les risques que cela pose et ont à cœur que le développement dans l’Arctique soit amorcé prudemment, afin d’éviter que la mer et la faune, dont ils dépendent, soient menacées.

Les Inuits doivent participer au processus de prise de décision. Nous sommes très préoccupés par la possibilité que nous ne retirions pas d’avantages de ce développement. Notre territoire est riche en ressources et rend certaines personnes très riches, mais nos collectivités manquent de ressources, et notre économie est limitée. Je trouve cela très décevant. Le développement durable dans l’Arctique nécessite la participation des peuples autochtones aux activités économiques et à la gestion de ces activités, de sorte que le Canada n’oublie jamais qu’il fonde sa souveraineté dans l’Arctique sur la relation qu’il entretient avec les Inuits.

Lorsqu’il a pris la parole à la Chambre des communes, en 1985, Joe Clark, alors ministre des Relations extérieures, a déclaré ce qui suit :

La souveraineté du Canada dans l’Arctique est indivisible. Elle s’étend aussi bien à la terre qu’à la mer et à la glace. Cette souveraineté s’étend sans interruption aux côtes des îles arctiques tournées du côté de l’océan. Ces îles sont rattachées, et pas divisées, par l’eau qui se trouve entre elles.

Nous avons signé des ententes dans quatre régions, soit l’Inuvialuit, le Nunavut, le Nunavik et le Nunatsiavut. Nos ententes avec la Couronne prévoient que nous devons être consultés de façon significative. Malgré cela, la mise en œuvre de notre traité n’est toujours pas satisfaisante. Nous attendons avec impatience les recommandations du groupe de travail de la ministre en vue d’améliorer les traités modernes. Nous reconnaissons qu’il s’agit d’une tâche considérable, parce que cela n’a jamais été fait auparavant.

Je suis préoccupé par nos processus à l’échelle nationale, mais également à l’échelle internationale. Même si cela dépasse la portée du mandat du nouveau comité, je tiens à souligner quelques éléments particulièrement préoccupants, dont le défaut du Canada de nous inclure dans la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, dans les limites du plateau continental et dans un nouvel accord international portant sur la biodiversité marine des zones situées au-delà des limites de compétence nationale.

En mars dernier, le Canada a assisté à des rencontres aux Nations Unies dans le cadre des travaux du comité préparatoire qui met en place les éléments à étudier lors de la négociation de l’entente. Cette entente est négociée dans le cadre de la Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer et s’appliquera à la haute mer, y compris à l’océan Arctique. Elle établira les conditions de création des aires marines protégées et les règles d’évaluation environnementale des projets qui présentent un risque de nuire à la biodiversité ainsi que les règles de partage des ressources génétiques marines. Les répercussions sur les Inuits seront énormes en raison du risque de nuire aux populations de poissons et aux animaux marins migrateurs.

Il y a de nombreux domaines que nous voudrions aborder et très peu de temps pour le faire. Ultimement, ce comité spécial se concentrera sur les habitants de l’Arctique, et nous sommes impatients de les entendre directement.

J’exhorte le comité à travailler selon les principes suivants : les Inuits, à titre de premiers habitants de l’Arctique, administrent de manière durable depuis longtemps les terres, les eaux et la banquise de l’Arctique canadien; les Inuits ont accepté de partager leurs terres, leurs eaux et leur banquise avec les Canadiens en échange de droits issus de traités protégés par la Constitution et d’un véritable partenariat avec le Canada, qui est reflété dans le traité moderne; le partenariat doit être respecté et toutes les mesures doivent être prises pour veiller à ce que les lois et les politiques canadiennes reconnaissent et appuient la place traditionnelle et moderne des Inuits dans l’Arctique, et à ce que les promesses faites aux Inuits dans les traités soient respectées; enfin, le comité doit écouter sérieusement les Inuits pour saisir comment les lois et les politiques canadiennes concernant l’Arctique les touchent.

La communauté internationale se dirige vers l’Arctique, alors il faut être prêt. Il faut préparer les collectivités du Nord à suivre les dossiers de près, autant ceux du Canada que ceux de la communauté internationale, et il faut être en mesure de discuter des besoins du Nord de manière concertée et éclairée.

Je sais que nous avons un groupe de sénateurs dévoués qui sont impatients de s’attaquer à ces questions et à d’autres questions qui concernent l’Arctique. Je vous remercie de votre appui dans la suite des choses.