Forum des sénateurs libéraux

L’honorable Céline Hervieux-Payette, C.P.

L’honorable Céline Hervieux-Payette, C.P.

L’honorable Céline Hervieux-Payette, C.P.


Publié le 21 avril 2016
Hansard et déclarations par l’hon. Céline Hervieux-Payette (retraitée), James Cowan

L’honorable Céline Hervieux-Payette :

Honorables sénateurs, normalement, lorsqu’on fait ses adieux, on est un peu triste. En fait, après 21 ans passés dans cette auguste enceinte, je peux dire que j’ai accompli mon devoir, que j’ai servi du mieux que je le pouvais cette institution, et que je n’ai aucun regret; c’est ce que je tiens à vous dire en commençant.

Par contre, mon devoir le plus important est de remercier tous ceux et celles qui m’ont accompagnée au cours de cette aventure. Je voudrais tout d’abord remercier le personnel du Sénat, que ce soit l’administration, la sécurité — j’ai eu droit ce matin à un salut très formel de nos agents de sécurité —, les officiers du Sénat qui nous aident à mieux présenter nos différentes questions, les traducteurs qui sont extrêmement importants pour nous, les francophones, les sténographes qui travaillent très fort, et nos pages qui sont tous plus jolis d’une année à l’autre.

Tous ces gens rendent la vie et le devoir des sénateurs beaucoup plus agréables. Évidemment, je me dois de saluer quelques personnes de mon bureau. Vous comprendrez que, en 21 ans, j’ai une liste assez longue, parce que, chaque année, je me suis fait un devoir d’engager des étudiants pour une année ou deux afin de leur permettre de financer leurs études. Il y a donc eu une rotation à ce niveau.

Cependant, j’ai eu tout de même un adjoint, nommé Maximilien Depontailler, qui a eu la patience de rester à mes côtés pendant 10 ans et qui m’a quittée tout récemment pour le bureau d’un ministre. J’ai eu à mon emploi un autre jeune homme, du nom d’Alexis Fafard, qui est originaire de ma ville natale de L’Assomption, et un futur avocat très talentueux. J’ai embauché également un jeune de la Nouvelle-Écosse, un économiste distingué qui est un grand passionné de politique et dont le père, David Hamilton, était président de l’Association libérale de la circonscription de Nova- Centre, en Nouvelle-Écosse. En outre, je tiens à remercier ma dernière recrue, Louise Mercier, une productrice et auteure qui m’aide à faire le ménage et à classer les 50 boîtes de documents que j’ai accumulés.

J’aimerais remercier également tous mes collègues du caucus libéral du Sénat, ceux qui portent un titre, ceux qui n’en ont pas, ceux qui ont assisté à nos réunions et qui nous ont permis de cheminer même lors des périodes difficiles. En y allant par ordre de croissance et d’importance, je remercie évidemment le Président du Sénat, qui a siégé à notre caucus pendant plusieurs années, et qui poursuit sa carrière ici de façon remarquable.

Je ne saurais oublier de remercier Stéphane Dion, qui m’a nommée leader de l’opposition au Sénat alors qu’il était chef du Parti libéral. Il s’agissait d’une fonction assez exigeante, puisque j’étais, en même temps, organisatrice en chef pour les élections au Québec et que je devais représenter M. Dion à l’occasion. Durant cette période, je travaillais probablement au salaire minimum.

Le premier, le plus important de tous, c’est le très honorable Jean Chrétien, qui m’a nommée ici en 1995. Je ne dis pas que j’ai accepté à mon corps défendant, mais presque, car, n’eût été la question référendaire, je ne suis pas sûre que j’aurais laissé le confort d’un emploi dans le secteur privé et une bonne rémunération pour venir travailler au Sénat à la moitié de mon salaire. Cependant, je l’ai fait pour l’avenir du pays, de nos enfants et de tous les citoyens canadiens. Nous étions à la veille d’un référendum qui a été extrêmement brutal et difficile.

À cette époque, plusieurs collègues m’ont accompagnée pour faire du porte-à-porte, et je crois que ceux et celles qui n’ont pas connu cette angoisse de dire : « Il faut sauver le Canada et éviter que le pays ne soit divisé en deux » ne peuvent pas comprendre qu’il s’agissait d’une chose inimaginable pour moi. Nous sommes tous des Canadiens et, que nous soyons de l’Est, de l’Ouest ou du centre, nous avons fondé ce pays et nous en faisons partie. Bref, nous sommes la fibre de ce pays.

Je voudrais également saluer mes amis libéraux de la Chambre des communes que j’ai côtoyés pendant les six ans où j’ai siégé à l’autre endroit. À la Chambre des communes, il n’y a pas de discours d’adieux. Les adieux se font le soir des élections, lorsque vous les avez perdues. J’aime autant vous dire que je n’ai pas eu le temps de leur faire mes adieux. Cependant, j’ai travaillé avec une équipe formidable, dont le sénateur Joyal faisait partie d’ailleurs, et je pense que cette équipe, maintenant, sous la gouverne du très honorable Justin Trudeau, a à cœur le sort des Canadiens et des Canadiennes en élaborant des politiques généreuses et en accordant une attention toute particulière à nos frères et sœurs autochtones, pour lesquels j’ai un grand attachement. Il faut diminuer l’écart scandaleux qui existe entre nos concitoyens, qu’il s’agisse des gens qui habitent le Nord ou de ceux qui dorment encore dans les rues de nos grandes villes.

Je salue également les parlementaires des autres partis à la Chambre des communes et au Sénat. Nous avons maintenant nos indépendants; j’espère que ces derniers auront autant de plaisir que moi à servir les Canadiens dans cette enceinte.

En faisant le bilan de mon mandat, je suis particulièrement fière d’avoir participé à la création du FIPA, le Forum interparlementaire des Amériques, qui est devenu par la suite ParlAmericas, et dont j’ai été présidente pendant presque 10 ans. Grâce à la collaboration des 35 pays des Amériques, j’ai été témoin de l’avancement de la démocratie dans plusieurs de ces pays et, surtout, du rôle primordial qu’y jouent les femmes parlementaires. Nous avons eu des réunions extrêmement positives, et je dois admettre, aujourd’hui, que je suis particulièrement peinée des événements qui se déroulent au Brésil et des difficultés que doivent surmonter en ce moment les gens de ce pays. J’espère qu’ils retrouveront un système fonctionnel le plus tôt possible.

En tant que leader de l’opposition au Sénat, j’ai apprécié les efforts qui ont été faits pour donner au Sénat sa raison d’être. Nous avons eu des projets de loi qui limitaient nos mandats à huit ans et, à un moment donné, la question des élections a fait dériver l’institution vers une certaine partisanerie. Je pense avoir élaboré, avec mes collègues, une politique raisonnable, et nous avions réussi à établir un compromis, ce qui est l’essence même du travail des parlementaires. Un de ces compromis, par exemple, était la suggestion de limiter nos mandats à au moins 15 ans, comme ceux de nos collègues de la Chambre des lords. Je peux dire que j’étais présente à ce moment-là, et que j’ai participé à la discussion. Ce qui est important, c’est la discussion, c’est de faire des compromis et d’arriver à des consensus afin que l’institution soit au service des citoyens et, en particulier, des minorités, des Autochtones et des provinces. Surtout, c’est de respecter la Constitution canadienne.

Mes projets de loi demeureront à l’ordre du jour de cette session, et ils contiennent des orientations politiques que mes collègues sénateurs et le gouvernement pourront suivre. Je n’ai aucune objection à ce que le gouvernement vienne demain matin nous surprendre en adoptant mon projet de loi sur la place des femmes au sein des conseils d’administration. J’ai tout lieu de croire que mon projet de loi sur la violence faite aux enfants sera adopté à la Chambre des communes, puisque le premier ministre, le très honorable Justin Trudeau, en vertu de son appui total au rapport de la Commission de vérité et réconciliation, a accepté la recommandation du comité, qui réclame l’abrogation de l’article 43 du Code criminel, ce qui éliminerait toute possibilité juridique de frapper les enfants à des fins éducatives.

Mes autres projets de loi visent à assurer une meilleure gouvernance. Ils vont dans la bonne direction et ont pour but, en particulier, d’assurer l’équité et une meilleure redistribution de la richesse au Canada. Or, à l’heure actuelle, je crois que nous donnons un très mauvais exemple. Hier, en faisant le point sur mon projet de loi, je vous ai fait part de statistiques selon lesquelles le Canada et les États-Unis se dirigent dans une direction tout à fait opposée en ce qui concerne une meilleure répartition de la richesse.

Évidemment, j’ai à cœur la question de la fraude. Les Canadiens sont très actifs dans le monde financier, notamment dans le secteur minier. Vous recevez régulièrement des publications de ce secteur. Il est important de le souligner, car les gens doivent demeurer honnêtes et intègres.

J’ai eu connaissance de discussions qui se sont tenues au Chili, avec nos producteurs de cuivre, sur l’importance de respecter l’environnement et les travailleurs. Doit-on procéder par voie législative? Ce n’est peut-être pas la meilleure façon. Le chemin idéal est celui qui propose le respect des autres juridictions et qui veille à ce que les gens qui œuvrent dans ces secteurs respectent les lois.

Enfin, le projet de loi qui me tient particulièrement à cœur est celui qui se veut, en quelque sorte, la célébration de nos chasseurs de phoque. Il vise à donner une petite leçon à nos amis de l’Europe, qui ont banni l’achat des produits du phoque et ont ainsi pénalisé tous nos travailleurs côtiers. Mon projet de loi a presque franchi l’étape de la troisième lecture. Honorables sénateurs, j’espère que vous voterez en faveur de ce projet de loi et que la Chambre des communes l’adoptera.

Récemment, j’ai présenté une motion visant à indemniser les travailleurs qui ont subi des radiations à l’usine nucléaire de Chalk River. J’ai acquis une grande réputation dans la région, bien que je ne l’aie pas visitée très souvent. Toutefois, lorsque le Sénat intervient pour rétablir l’équité entre des travailleurs qui étaient membres, par le passé, de la Défense nationale et les travailleurs de Chalk River, qui étaient d’anciens fonctionnaires fédéraux, il a le devoir de le faire en veillant à ce que tous les Canadiens soient traités de façon équitable.

De plus, j’aimerais tout simplement dire à chacun de vous que j’espère que vous allez travailler très fort pour trouver la formule, le modus operandi du Sénat renouvelé, pour le doter de règles claires et pour arriver à des consensus qui permettront d’établir les meilleures politiques.

J’ai pris mes tâches de sénatrice au sérieux, afin de perfectionner le travail parfois imparfait de la Chambre des communes. J’ai participé à des votes négatifs sur des projets de loi libéraux. Évidemment, j’ai participé plus souvent à des votes négatifs sur des projets de loi conservateurs. Il reste que, chaque fois, mon objectif était de respecter mes principes et mes valeurs en tant que citoyenne. À titre de membre du Parti libéral, c’est surtout le projet philosophique derrière le libéralisme qui m’a guidée, c’est-à-dire la Charte des droits, la libre entreprise et un pays fédéré qui fonctionne harmonieusement.

À la veille de mon anniversaire, je crois m’offrir un cadeau en vous faisant mes adieux, ici aujourd’hui. Je vous aime tous, et j’espère que vous allez continuer de faire du bon travail.

Je terminerai avec une petite phrase amusante, en ce jour d’anniversaire de Sa Majesté la reine Elizabeth II, une phrase importante qu’on a dite plusieurs fois : God save the Queen!

Des voix : Bravo!


 

L’honorable James S. Cowan (leader des libéraux au Sénat) :

Chers collègues, la sénatrice Hervieux-Payette a fait savoir clairement qu’elle ne souhaitait pas qu’on lui rende hommage et que personne d’autre qu’elle ne devait prendre la parole. Comme je l’ai dit sans équivoque, je crois, hier, nous sommes indépendants et ne recevons de directives ou d’instructions de personne, même pas de la part d’une collègue.

J’aimerais dire quelques mots, et j’espère parler au nom de tous mes collègues. La sénatrice Hervieux-Payette a été une éminente parlementaire tant à la Chambre des communes qu’au Sénat pendant de nombreuses années. À l’extérieur du Sénat, elle a défendu plusieurs causes louables. C’est une femme qui exprime des opinions tranchées et, bien que nous ne soyons pas toujours d’accord avec elle, je crois que nous respectons tous son droit de dire ce qu’elle pense et que nous admirons sa ténacité et son dévouement envers les causes qui lui tiennent à cœur.

Céline, j’espère parler au nom de nous tous ici réunis en vous remerciant des services que vous avez rendus non seulement au Sénat, mais aussi au Parlement et aux citoyens canadiens. Nous vous souhaitons une retraite longue et en bonne santé. Nous savons que, pendant la retraite, vous n’allez pas vous la couler douce; vous disposerez plutôt de plus de temps à consacrer aux causes que vous continuerez de soutenir. Nous savons que, lorsque nous nous éloignerons de ces causes, vous allez nous le faire savoir. Nous aurons beau courir, nous ne pourrons pas vous échapper. Merci. Nous vous estimons beaucoup et vous transmettons nos meilleurs vœux pour l’avenir.

La sénatrice Hervieux-Payette : Merci.

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