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Projet de loi C-45, Projet de loi sur le cannabis

Projet de loi C-45, Projet de loi sur le cannabis

Projet de loi C-45, Projet de loi sur le cannabis

L’honorable Terry M. Mercer (leader adjoint des libéraux au Sénat) : 

Honorables sénateurs, il faut du temps pour effectuer un changement. Il faut aussi s’y habituer un peu, une fois qu’il est enfin réussi. Si l’on considère les générations passées, on se remémore l’époque où les femmes ont obtenu le droit de vote et, plus récemment, où les couples de même sexe ont obtenu le droit de se marier. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas imaginer que ces droits soient remis en question. Le changement social n’est pas facile à opérer. Cela prend du temps, parfois plusieurs générations, mais un jour le changement se produit, même si l’on s’y oppose, pour le meilleur et pour le pire.

Le débat sur les drogues paraît interminable, et je crois qu’il devrait effectivement toujours se poursuivre. Aucun débat ne peut prendre fin définitivement. Les nouvelles idées, les découvertes scientifiques et les nouvelles générations de citoyens font en sorte que les mentalités évoluent sur ce qui peut améliorer le sort de la société.

Dans le présent débat sur le projet de loi C-45, on entend des arguments pour et des arguments contre : nous avons besoin de plus de temps pour l’étudier; nous devrions avoir adopté ce projet de loi il y a des années; les conséquences sur la population sont inconnues; devrions-nous essayer et voir quel sera le résultat? Ce sont des questions naturelles, bien entendu, mais, à un moment donné, une décision doit être prise.

Je rappelle aux sénateurs que le débat sur la légalisation de la marijuana a lieu depuis des dizaines d’années. Un rapport sur le cannabis produit dès 1955 par le comité sénatorial spécial sur le trafic des stupéfiants préconisait le maintien de l’interdiction des drogues illicites.

Puis, en 1972, c’est le Rapport final de la Commission d’enquête sur l’usage des drogues à des fins non médicales, présidée par Gérald Le Dain, qui a été publié. Il recommandait que l’on abroge l’interdiction de la possession simple de cannabis et de sa culture pour un usage personnel. C’était en 1972, chers collègues.

En 1994, le projet de loi C-7, Loi portant réglementation de certaines drogues et de leurs précurseurs ainsi que d’autres substances, modifiant certaines lois et abrogeant la Loi sur les stupéfiants en conséquence, a été présenté à l’autre endroit. Il est mort au Feuilleton et a été présenté de nouveau sous la désignation de projet de loi C-8, en 1996. Le Sénat l’a alors étudié.

Selon la Canadian Foundation for Drug Policy, plusieurs membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ont déclaré publiquement qu’ils étaient favorables à la décriminalisation de la marijuana, mais ont abandonné l’idée de recommander qu’aucune accusation criminelle ne soit portée contre une personne pour avoir eu quelques « joints » de marijuana en sa possession parce qu’ils se sont dit que cette idée ne serait jamais acceptée par la Chambre des communes. Comme la sénatrice Carstairs l’a précisé, les membres du comité envisageaient sérieusement l’idée de la décriminalisation, mais ils considéraient qu’une telle recommandation serait futile. La sénatrice a déclaré ceci dans une interview :

La majorité des sénateurs — et j’étais avec eux — estimait que les renseignements disponibles portaient à croire que la décriminalisation pour la possession simple était la solution à adopter.

La recommandation suivante figurait dans le rapport sur le projet de loi C-8 :

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles propose énergiquement qu’un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes soit créé afin d’examiner toutes les lois, politiques et les programmes canadiens antidrogue.

Le 2 juin 1999, le regretté Pierre Claude Nolin a proposé la motion suivante :

Qu’un comité spécial du Sénat soit formé afin de réévaluer les lois et les politiques canadiennes antidrogues, de consulter abondamment la population canadienne pour déterminer les besoins spécifiques des différentes régions du pays plus particulièrement là où les problèmes sociaux liés au trafic et à l’usage des drogues illicites sont les plus manifestes, d’élaborer des propositions pour diffuser toute information relative à la politique canadienne antidrogues et, enfin, de produire des recommandations pour en arriver à l’adoption d’une stratégie antidrogues mise au point par et pour les Canadiens encourageant tous les paliers de gouvernement à travailler en étroite collaboration à la réduction des méfaits liés à la consommation de drogues illicites.

Le comité a fait un énorme travail et a publié son rapport en septembre 2002, et vous l’avez sûrement tous lu; du moins, je l’espère. On y aborde un grand nombre des questions soulevées par la plupart des sénateurs dans le débat sur le projet C-45 dont nous sommes saisis aujourd’hui. On peut y lire ce qui suit :

En somme, les principaux coûts sociaux relatifs au cannabis relèvent de choix de politiques publiques, principalement de la criminalisation continue de cette substance, tandis que les conséquences de l’usage de la substance elle-même ne comptent que pour une fraction de l’ensemble des coûts sociaux imputables à l’usage de drogues illicites.

Notre ancien collègue poursuit plus loin en disant ce qui suit :

Selon nous, il est clair que si les politiques publiques ont pour but de réduire la consommation et l’offre de drogues, spécifiquement de cannabis, tout indique qu’elles ont échoué.

C’était la situation à ce moment-là.

Il poursuit ainsi :

Nous pensons que l’ensemble des données que nous avons recueillies sur le cannabis et ses dérivés justifie notre conclusion générale à l’effet que la réglementation de la production, de la distribution et de la consommation de cannabis est un régime préférable à la prohibition, pour autant qu’elle s’inscrive dans une politique publique intégrée et adaptée sur les substances. Un régime de réglementation sur le cannabis devrait permettre notamment :

De cibler plus efficacement les trafics illégaux et de diminuer le rôle du crime organisé.

De mener des programmes de prévention plus adaptés à la réalité et plus à même de prévenir et dépister les conduites à risque.

De mieux contrôler les produits, leur qualité et leurs propriétés.

De mieux informer et éduquer les usagers.

De respecter les libertés individuelles et collectives et de mettre la loi en phase avec le comportement des Canadiens.

C’était notre ami, Pierre Claude Nolin.

Le rapport du comité se poursuit ainsi :

Nous sommes d’avis que la société canadienne est prête pour une politique responsable de réglementation du cannabis pour autant qu’elle respecte ces principes fondamentaux.

Ainsi, honorables collègues, dans les exemples que j’ai donnés, qui datent de 1955 à 2002, on peut voir que l’opinion a changé et on remarque qu’il a fallu du temps pour qu’elle change.

Maintenant, pensez à ce que nous faisons actuellement. Nous sommes en 2018, soit 16 ans après que le rapport Nolin ait recommandé essentiellement ce que le projet de loi C-45 vise à faire. Sommes-nous prêts à faire ce changement? Je crois que nous l’étions à l’époque, et je crois que nous le sommes maintenant.

Nous pouvons toujours nous demander si c’est le bon moment pour une telle mesure législative ou si elle est pertinente et sécuritaire. Ce que nous ne devrions pas remettre en question, c’est que le moment est venu d’essayer une autre tactique dans la guerre contre la drogue. Ce n’est qu’à ce moment-là que nous saurons si elle a fonctionné, et je suis convaincu que ce sera le cas.

Bien que je n’aime pas certains des amendements que le Sénat a convenu d’apporter au projet de loi, pour le meilleur ou pour le pire, je suis heureux d’appuyer le projet de loi et j’encourage tous les sénateurs à faire de même.

L’honorable Dennis Dawson : Accepteriez-vous de répondre à une question présentée sous forme de déclaration?

Je suis très heureux. Je ne veux pas gaspiller le temps de tous les sénateurs en répétant ce qui a déjà été dit. Cependant, pensez-vous que le sénateur Nolin aurait voté en faveur du projet de loi?

Le sénateur Mercer : Je pense qu’il aurait voulu le parrainer.

Le sénateur Carignan : Avez-vous bien lu le rapport Nolin, qui indiquait que le cerveau était complètement développé à l’âge de 16 ans?

Le sénateur Mercer : Chaque rapport est différent et nous nous sommes adaptés au fur et à mesure. Oui, vous avez lu le rapport. Vous savez ce qu’il y est écrit.