Forum des sénateurs libéraux

La justification pour la surveillance parlementaire

La justification pour la surveillance parlementaire

La justification pour la surveillance parlementaire


Publié le 17 mai 2015
Publication @fr par l’hon. Grant Mitchell, Roméo Dallaire (retraité)

Par le sénateur Grant Mitchell, le lgén Roméo Dallaire et le directeur Hugh Segal

 

Les Canadiens comprennent que depuis le début de notre histoire, nous devons arriver à un juste équilibre entre les libertés que nous chérissons et notre sécurité. Même si ces questions semblent particulièrement importantes aujourd’hui, les Canadiens ont dû en examiner les tenants et aboutissants lors de guerres mondiales, de tourmentes économiques et de crises.

Certaines des décisions que le Canada a prises dans le passé, comme l’internement des Canadiens d’origine japonaise au cours de la Deuxième Guerre mondiale, sont aujourd’hui une honte nationale. Tant notre histoire que le droit reflètent les leçons que nous avons tirées du passé et le fait qu’une société démocratique ne peut tenir pour acquis nos libertés et droits fondamentaux ni ne peut tolérer les excès ou les abus au nom de la sécurité nationale.

Même si la fonction principale du Parlement du Canada consiste à obliger le gouvernement à rendre des comptes, nous nous en remettons constamment au pouvoir exécutif en ce qui concerne le renseignement et la sécurité nationale. Quelques ministres sont chargés d’orienter les politiques opérationnelles et les décisions de nos services de sécurité nationale, mais aucun mécanisme n’est en place pour assurer une reddition de comptes.

Sur la scène internationale, nos alliés du Groupe des cinq (Australie, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni et États-Unis) et la majorité de nos collègues de l’OTAN ont une capacité de surveillance en matière de questions de sécurité nationale. Leur système de gouvernance prévoit que des législateurs autorisés évaluent l’efficacité des décisions de leur gouvernement, de même que les ressources, la formation et les plans qu’il approuve. L’absence de tels mécanismes de surveillance au Canada est plutôt inhabituelle parmi les démocraties occidentales et constitue une différence flagrante entre notre pays et ses alliés.

Actuellement, les parlementaires canadiens n’ont pas accès à l’information confidentielle et de haut niveau sur les institutions et les politiques de sécurité nationale, et pourtant, ils approuvent des budgets de milliards de dollars et adoptent des projets de loi qui influent sur la sécurité nationale et les libertés civiles. En tant que représentants des Canadiens, ils prennent des décisions de portée générale sans même être au fait de toute l’information pertinente.

Pour renforcer nos services de sécurité, nous devons accorder à nos organismes de sécurité plus que des pouvoirs et des fonds supplémentaires; nous devons leur fournir les outils nécessaires pour qu’ils utilisent ces pouvoirs de façon responsable. Si nous ne le faisons pas, toute solution proposée comportera une grave lacune.

Le printemps dernier, nous avons présenté au Sénat le projet de loi S-220 qui vise à constituer un comité de parlementaires qui assurerait la surveillance des activités de sécurité et de renseignement au pays. Inspiré du système qui a fait ses preuves au Royaume-Uni, le comité serait composé de députés et de sénateurs de différentes allégeances politiques. Ses membres devraient prêter un serment de confidentialité à vie.

Selon ce modèle, des parlementaires triés sur le volet seraient habilités à examiner les activités liées à la sécurité nationale. Ils pourraient se pencher sur l’efficacité des forces de sécurité et de lutte contre le terrorisme et favoriser une plus grande consultation entre les organismes de sécurité nationale et les parlementaires.

Compte tenu de la complexité croissante des technologies et de l’échange d’information, le comité pourrait aussi veiller à ce que les mesures prises par les organismes du renseignement et de la sécurité nationale respectent la Charte.

La surveillance parlementaire pourrait aider à déterminer où se situe le juste équilibre entre la sécurité nationale et la protection de la vie privée et des renseignements personnels des Canadiens, et permettrait d’éviter ultérieurement des poursuites coûteuses.

Essentiellement, le gouvernement et les organismes de sécurité nationale doivent rendre des comptes à nos institutions parlementaires, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Un comité de surveillance des activités de sécurité nationale rehausserait le processus d’examen rétroactif, à temps partiel, fondé sur les plaintes et sans cohésion dans le cadre duquel les organismes de sécurité nationale et du renseignement mènent actuellement leurs activités.

Le projet de loi S-220 est à l’étude au Sénat, mais les choses bougent très lentement en raison de la réticence du gouvernement à son égard. Il est étroit d’esprit de considérer que la surveillance ne constitue qu’une « formalité administrative inutile » alors que, dans les faits, la surveillance permet de neutraliser les excès qui ne peuvent être tolérés dans une démocratie parlementaire.

La critique selon laquelle l’opposition n’est pas digne de confiance n’est pas fondée; de nombreuses autres démocraties parlementaires de type britannique telles que le Royaume-Uni ont réussi à mettre en place au cours des dernières décennies des comités parlementaires de surveillance qui n’ont donné lieu à aucune défaillance en matière de sécurité et qui ont tous donné de très bons résultats.

En cette période des plus complexes et ambiguës, la nécessité d’assurer la surveillance des organismes de renseignement qui veillent sur la sécurité nationale et de mettre à l’abri de la peur les Canadiens respectueux des lois est une priorité nationale importante et pertinente. Comme le projet de loi C-51 sera probablement adopté, la nécessité d’une surveillance parlementaire sera d’autant plus pressante. Un grand pouvoir s’accompagne d’une lourde responsabilité, et des pouvoirs accrus nécessitent une surveillance renforcée.

 

***

Grant Mitchell, sénateur – actuel vice-président du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense

Lgén Roméo Dallaire – ancien sénateur et vice-président du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense

Hugh Segal, directeur – ancien sénateur et président du Comité sénatorial spécial sur l’antiterrorisme, et actuel directeur du Collège Massey.

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