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Pourquoi je n’ai pas appuyé le rapport sénatorial sur le terrorisme

Pourquoi je n’ai pas appuyé le rapport sénatorial sur le terrorisme

Pourquoi je n’ai pas appuyé le rapport sénatorial sur le terrorisme


Publié le 15 juillet 2015
Publication @fr par l’hon. Grant Mitchell

La semaine dernière, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a publié un rapport provisoire intitulé Combattre la menace terroriste au Canada. Les rapports sénatoriaux résultent habituellement d’un consensus, mais tous les membres libéraux du Comité (les sénateurs Joseph Day, Colin Kenny et moi) ont choisi de faire dissidence, avec l’approbation des sénateurs libéraux.

Loin de nous l’idée de nier la réalité des menaces terroristes pour le Canada, y compris celles posées par les personnes qui partent à l’étranger se battre pour des groupes comme l’État islamique et en reviennent. De plus, les témoignages entendus indiquent que le plus gros des menaces provient de groupes racistes d’extrême droite actifs au pays-même.

Mais la vraie question est de savoir comment affronter ces menaces de façon équilibrée et réfléchie, sans discours excessivement partisans, sans jamais perdre de vue que nous sommes tous également concernés. Si j’ai choisi d’être dissident du rapport, c’est parce que certaines recommandations étaient redondantes, d’autres étaient tout simplement de mauvaises idées et d’autres, enfin, qui auraient dû être incluses dans le rapport, en étaient absentes.

Prenons la recommandation que le gouvernement érige en infraction la « glorification du terrorisme ». Elle est déjà couverte par le projet de loi C-51, qui criminalise le fait de « préconiser » ou de « fomenter » le terrorisme. Les ministres de la Justice et de la Sécurité publique du gouvernement conservateur ont d’ailleurs dit à notre comité avoir évité le terme de « glorification du terrorisme », parce qu’il ne résisterait sans doute pas à une contestation en vertu de la Charte.

Le rapport suggère également que faire partie d’un groupe terroriste soit une infraction criminelle, ce qui est également redondant. En effet, les tribunaux ont déjà tranché : commettre un acte de terrorisme ou encore aider quelqu’un ou encourager quelqu’un à le faire est déjà une infraction. Sauf si l’idée est d’appréhender des personnes miraculeusement munies de cartes d’apprentis-terroristes, il est difficile de concevoir ce qu’ajouterait la recommandation.

Les critiques du rapport visent plus particulièrement, avec raison, une autre recommandation : « Que le gouvernement fédéral […] étudi[e] les options possibles en matière de formation et de certification des imams au Canada. » Pourquoi est-ce une mauvaise idée? Parce qu’elle stigmatise injustement toute une religion. De plus, elle met le gouvernement dans une position ridicule : décider quelles idées religieuses et quels prêcheurs seraient acceptables. Ce n’est vraiment pas une suggestion digne d’un rapport du Sénat.

Ce que contient le rapport est donc problématique. Ce qu’il passe sous silence, au moins autant.

En effet, les responsables de la police, du renseignement et de la sécurité publique ont indiqué dans leurs témoignages devoir, du fait de restrictions budgétaires, réaffecter à la lutte contre le terrorisme des ressources consacrées à d’autres enquêtes criminelles importantes. Les témoignages ont aussi souligné plusieurs besoins : des services de police communautaires et des programmes d’action sociale dans l’espace « précriminel »; plus de recherches portant sur les voies menant à la radicalisation; ainsi que des mécanismes d’examen et d’encadrement rigoureux pour les 17 agences de renseignement et d’application de la loi qui s’occupent de sécurité nationale.

Ce sont là des mesures essentielles pour lutter de façon efficace contre le problème, mais aucune ne fait l’objet d’une véritable discussion dans le rapport.

Bien sûr, il est important que Canadiens et Canadiennes comprennent les menaces terroristes qui pèsent sur nous, ainsi que leur constante évolution. Présenter des idées peu réfléchies risque toutefois de diviser la population et d’affecter notre société de façon négative. Cela risque même d’entraver le travail des agences d’application de la loi, si les communautés dont elles recherchent la collaboration se sentent aliénées et prises comme cibles. Bref, ce qu’il nous faut aujourd’hui, avant tout, ce sont des idées équilibrées, une approche intelligente des menaces auxquelles le Canada est confronté et une détermination de tous les Canadiens à travailler de concert.

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